Notre mémoire s’efface… dans le silence
Par Philippe Leclerc
CHRONIQUE
Trois ans d’inaction
13 mai 2025. Trois ans que le Domaine-de-l’Estérel a été rasé. Illégalement. Ce centre commercial moderniste, construit en 1936 à Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson, était classé immeuble patrimonial du Québec. Un joyau unique. Une rareté régionale.
Le 13 mai 2022, sans permis, sans autorisation du ministère de la Culture et des Communications (MCC), le promoteur a tout démoli. En plein jour. En défi des lois. Une aberration dénoncée publiquement par le MCC lui-même. Des perquisitions ont même eu lieu un an plus tard, en 2023, pour faire la lumière sur les circonstances.
Mais localement ? Silence. Trois ans que les élus de la MRC des Pays-d’en-Haut regardent ailleurs. Au dernier Conseil, une citoyenne a osé leur demander : qu’avez-vous fait ? Au lieu d’assumer, le préfet a refilé la question… à la directrice générale. Une DG arrivée bien après les faits.
Sa réponse ? Deux résolutions votées en 2022. La première pour dénoncer la démolition. La seconde pour mandater formellement le préfet afin d’assurer un suivi rigoureux avec le promoteur et les autorités compétentes.
Depuis ? Rien. Le préfet ? Absent, occupé à préparer sa sortie. Les élus de la MRC ? Inertes. La députée de Bertrand ? Muette. Le promoteur ? Bien tranquille. À attendre que le temps efface le scandale.
À Saint-Jérôme, on s’est battu
Au même moment, à Saint-Jérôme, un autre pan de mémoire risquait de disparaître : la maison des retraités de la Rolland.
Cette maison avait été construite en 1998 par et pour les retraités de la compagnie Rolland, sur un terrain donné par l’entreprise. Une initiative rare au Québec. Un lieu de rassemblement et de fierté pour des générations de travailleurs.
Quand l’usine a été vendue à des intérêts américains, la maison a été abandonnée. En 2021, elle a été vandalisée, pillée, laissée pour morte.
Mais à Saint-Jérôme, les élus municipaux, le maire, le député Youri Chassin, n’ont pas baissé les bras. Trois tentatives d’entente ont été faites pour sauver, déplacer, redonner vie à ce bâtiment. Trois échecs. Mais ils ont essayé. Ils ont porté le dossier. Ils ont assumé l’échec.
Ils n’ont pas fui. Ils n’ont pas caché le dossier derrière un fonctionnaire. Ils ont respecté la mémoire locale, même si la partie était perdue d’avance.
Dans la MRC des Pays-d’en-Haut ? C’est l’inverse. Les élus n’ont même pas tenté. Leur inaction est un choix. Une résignation organisée.
Ministère de la Culture : complice silencieux
Dans les deux cas, le MCC a été un acteur de second plan. Aucune pression sur la MRC. Encore moins sur le promoteur. Aucune relance publique.
La direction régionale ? Fantôme. Un directeur qui semble préférer regarder vers Québec que vers sa propre région. Même après les perquisitions de 2023, aucune initiative forte n’a émergé localement.
Quand on laisse faire, on cautionne
La combinaison est toxique : élus qui se défilent, ministère inerte, citoyens désabusés. Pendant ce temps, les démolisseurs spéculent. Le patrimoine devient du terrain vide. Notre mémoire qu’on efface. Nos racines, arrachées.
À force de ne rien faire, on envoie un message clair : On s’en fout. On préfère tourner la page. Faire comme si rien n’avait existé.
Mais nous, citoyens, on s’en souvient. Et on ne laissera pas passer cette démission sans le dire.
Il y a ceux qui osent se battre, même quand c’est difficile. Et il y a ceux qui fuient, baissent la tête, effacent l’histoire pour mieux faire place à des projets clinquants.
À la MRC des Pays-d’en-Haut, les élus ont choisi leur camp : celui de l’inaction, du silence, de l’oubli. À Saint-Jérôme, malgré les échecs, ils auront au moins défendu leur mémoire.
La honte restera toujours du côté des absents.
1 commentaire
je suis pas surpris du tout peut importe qui? ils en n ont rien à cirer du patrimoine bâti relatent notre histoire et celle d un quartier d une ville ou autres eux c est de démolir en faire quelque chose d autre pouvu que c est payant et la ville naturellement salive à cette idée pourtant elle devrait être la gardienne de son histoire et de ce qui s y trouve