"Je ne suis pas un millionnaire" – Oswald Lingat, propriétaire du Mont Alta

Par Lpbw

VAL-DAVID – Les traces de ski sur les pentes du Mont Alta laissent croire que son propriétaire a profité, lui aussi, des généreuses bordées de neige qui nous sont tombées dessus ces derniers mois. Pas du tout. C’est là une illusion trompeuse, d’ailleurs démentie par une évidence: aucune des chaises doubles du télésiège n’est accrochée au câble d’acier du vétuste remonte-pente. Le centre de ski sexagénaire est resté fermé tout l’hiver.

Les skieurs et planchistes qui ont dévalé ces pentes qui bordent la 117 ont dû grimper à pied la montagne ou ont emprunté un véhicule pour les emmener au sommet par voie terrestre.

Une chose est sûre. L’hiver qui s’achève aurait garanti un bilan financier à l’encre bleue au propriétaire du vieux centre, Oswald Lingat, encore stigmatisé par celui à l’encre rouge des trois dernières saisons.

"Cette année, les gens qui sont venus glisser ici en skis ou en planche à neige l’ont fait à leurs propres risques,", dit l’homme de 62 ans, propriétaire du Mont Alta qui, pendant quelques années, était considéré comme un des plus hauts sommets de ski de notre région, après Tremblant et le Mont-Blanc.

"Oswald", comme plusieurs se plaisent à l’appeler, veut taire certaines rumeurs qui ont couru ou qui courent toujours sur lui ou sur sa propriété de 65 âcres jadis appelée "Mont du Chevreuil", à ses débuts en 1952. Pour l’histoire, M. Lingat en a fait l’acquisition en janvier 1986, des mains d’un skieur autrichien, Kurt Zurbuchen.

Tout fils de fondateur du centre Vallée Bleue qu’il soit, Oswald n’est pas un millionnaire. "Loin de là", tient-il à corriger. "Les trois derniers hivers, j’ai dû prendre une nouvelle hypothèque pour pouvoir ouvrir le Mont Alta. Je l’ai fait et j’ai perdu pas mal d’argent. Pas cette année."

L’homme de 62 ans n’était pas prêt à vivre un quatrième hiver consécutif sans neige, sans vente de passes de saison, sans skieurs. Il reconnaît toutefois avoir déjà vécu des saisons de rêve: jusqu’à 600 abonnements, 85 employés et neige artificielle qu’il fabriquait lui-même.

"J’ai déjà eu des canons (à neige), mais j’ai cessé quand Hydro-Québec a augmenté soudainement ma facture."

Une méchante surprise…

À l’époque, M. Lingat avait négocié avec la société d’État un contrat de fourniture d’électricité pour deux ans. Il payait le forfait minimum, 4 500$ par année, en autant qu’il ne dépasserait pas une certaine limite, qu’il n’a d’ailleurs jamais atteinte, a-t-il précisé

"J’ai dépensé la même quantité d’électricité la troisième année, mais là, j’ai eu toute une surprise! J’ai reçu d’Hydro-Québec une réclamation de 21 000$. J’ai protesté au bureau de Saint-Jovite. On a reconnu que ça n’avait pas de sens. On m’a envoyé une nouvelle facture, celle-là de 26 000$! On a finalement réglé au bout de trois ans de pourparlers et de frais d’avocat, l’Hydro et moi, pour un montant moindre, mais j’ai cessé de fabriquer de la neige à compter de ce moment-là."

Ouvrir les portes de ce centre pour une saison de ski coûte cher. Oswald a déjà mentionné que le déboursé était de l’ordre de 100 000$. Les dépenses commencent avant la première chute de neige, par le fauchage des arbustes et des herbes longues sur les pistes, puis les assurances, l’inspection radiographique et mécanique des remontées, l’équipement, l’électricité, le personnel.

"Je n’ai pas voulu me retrouver avec un hiver comme les trois derniers, à me tourner les pouces. En 2012, on a eu peu de neige. Les sports de glisse y ont goûté. Cette année, en plus de ne pas avoir eu d’entrées d’argent – aucune prévente de passes de saison parce que la neige n’est tombée en quantité suffisante que durant les Fêtes – j’aurais risqué de perdre les contrats que des propriétaires de centres de ski me confient régulièrement pour réparer leurs remonte-pente ou leurs appareils d’entretien des pistes."

Vols et vandalisme

Sa réputation de mécanicien doué et de bricoleur inventif l’a tenu occupé, ces derniers temps. Oswald s’est d’ailleurs porté au secours de plusieurs autres centres, jusque dans le bas du fleuve et même au Manitoba!

Autre tuile, le Mont Alta a reçu cet automne la visite de voleurs. Une petite fortune en filage de cuivre a disparu en pleine nuit. Oswald n’était pas assuré.

Deux semaines avant notre rencontre, des inconnus se sont emparé d’une vieille cloche accrochée au chalet, au bas des pentes. Une antiquité de 150 ans qu’il avait reçue en cadeau.

Le Mont Alta a aussi été la cible d’actes de vandalisme. Par deux fois en trois ans, des inconnus se sont servis du débarcadère (en bois) en haut de la remontée pour dresser un bûcher et allumer un feu de joie.

L’homme s’en défend bien, l’état pitoyable du "chalet" au bas des pentes du centre n’est pas un signe de la négligence-crasse de son propriétaire. "Je suis le premier à être gêné de ça, tellement c’est laid", s’objecte M. Lingat. " Mais pour procéder aux rénovations nécessaires, il faut de l’argent, bien sûr, et les permis pour l’exécution des travaux."

Oswald, qui a récemment été éprouvé par une grave maladie, s’arrête quelques secondes, le temps de bien peser ses mots.

"J’ai eu toutes sortes de problèmes avec l’ancienne administration de la Ville (Val-David) à ce propos (permis de travaux de rénovation)", reprend-il. "Permis pour un garage? Gros problème. Le restaurant? Même chose. Je dois toutefois dire que ça s’est calmé depuis, qu’avec l’administration de Mme Nicole Davidson, mairesse de Val-David, ça va mieux."

Quels sont ses projets pour l’hiver 2013-2014? Mystère et boule de gomme. Oswald Lingat est convaincu que plusieurs personnes regrettent aujourd’hui de ne pas lui avoir prêté main forte. Il met toutefois un bémol: il comprend que le contexte économique actuel n’incite pas au risque ou à l’investissement.

"Je pourrais peut-être ouvrir l’an prochain, mais il faudrait que des gens se réunissent et créent un fonds d’opération. Ça aiderait", achève-t-il.

Oswald ne l’a pas dit, mais il y a fort à parier qu’il souhaite secrètement que, l’hiver prochain, Dame Nature collabore elle aussi et recouvre de blanc les flancs du Mont-Alta, comme elle l’a fait si généreusement cette année, avec cet hiver qui n’en finit plus.

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