Sport et santé mentale: Les athlètes, des humains avant tout

Par Ève Ménard

« On les traite souvent comme des machines, mais il ne faut pas oublier l’aspect humain chez les athlètes. » Ces mots exprimés par Heidi Malo, consultante en préparation mentale dans les Laurentides, s’apparentent à ceux prononcés par Simone Biles.

« Nous ne sommes pas là seulement pour vous divertir, nous sommes des êtres humains », avait affirmé la gymnaste américaine après sa médaille de bronze à la poutre aux Jeux olympiques de Tokyo. Il s’agissait d’un retour à la compétition pour l’athlète. Quelques jours auparavant, cette dernière s’était retirée de certaines épreuves en évoquant des enjeux de santé mentale. Sa transparence a propulsé le sujet à l’avant-scène de la couverture médiatique.

« On les traite souvent comme des machines, mais il ne faut pas oublier l’aspect humain chez les athlètes. »

Heidi Malo salue le courage de l’olympienne. La professionnelle travaille d’ailleurs avec des gymnastes. Elle compte ouvrir le dialogue avec ces dernières, au sujet des évènements survenus récemment dans leur sport.

La consultante, affiliée au Conseil de développement de l’excellence sportive des Laurentides (CDESL), se spécialise en performance mentale. Elle précise qu’une nuance existe entre santé mentale et performance mentale. De manière générale, la santé mentale fait référence aux troubles comme la dépression, l’anxiété ou les troubles de personnalité. La performance mentale, quant à elle, se rattache à des habiletés mentales comme la confiance, la concentration, la gestion du stress ou de la peur.

Le travail d’Heidi consiste donc à offrir des outils en habileté mentale aux athlètes pour les soutenir dans leur développement. Elle travaille depuis maintenant 11 ans dans le domaine, à la fois avec des olympiens et des jeunes de niveau provincial et national.

Un changement de culture s’impose

Les récents évènements survenus dans le monde du sport ne sont-ils pas l’occasion de repenser la culture sportive? Pour Heidi Malo, ça va de soi. On ne peut pas séparer les enjeux de santé mentale à une culture parfois déficiente dans le monde sportif, surtout avec ce dont nous avons été témoin dans la dernière année. En mars dernier, cinq anciennes membres de l’équipe national senior de natation artistique dénonçaient des abus psychologiques, de la négligence et du harcèlement sexuel et racial par les entraineurs et le personnel de Natation Artistique Canada. L’équipe canadienne de rugby féminin à 7 a aussi vécu son lot de difficultés dans les derniers mois. 37 athlètes ont témoigné dans une enquête menée cet hiver pour dénoncer du harcèlement et un climat toxique au sein de Rugby Canada.

Heidi Malo est consultante en préparation mentale dans les Laurentides.

« Au Canada, les sports sont financés selon le nombre de médailles qu’ils peuvent rapporter. Ça met énormément de pression sur les entraineurs », explique Heidi, qui rappelle du même souffle que les entraineurs peuvent aussi vivre des enjeux de santé mentale. C’est un couteau à double tranchant : « Si on ne s’occupe pas de l’être humain, comment allons-nous chercher des médailles? Et si nous n’avons pas d’argent, comment développons-nous les athlètes? » Ainsi, les entraineurs ressentent la pression qui provient d’en haut, et en mettent à leur tour sur les athlètes. « J’espère que les acteurs dans le milieu sportif vont réfléchir à une manière de mieux faire les choses », confie Heidi Malo.

La recette miracle existe-elle réellement? Concrètement, il est difficile de changer un système au coeur duquel repose le nerf de la guerre : l’argent. S’il est impossible de renverser une culture entière, qu’est-ce qu’on peut faire? Selon Heidi, il faut travailler en éducation et en prévention chez les athlètes. Il faut absolument les outiller à ce qui les attend et leur offrir un environnement sain et favorable à leur développement, en plus de soutenir les entraineurs. Elle remarque aussi que la préparation mentale est souvent le premier service coupé, puisque les résultats sont difficilement mesurables. Au contraire, elle devrait occuper une place significative dans le développement de l’athlète.

Repenser l’approche journalistique?

Tous les quatre ans, des athlètes qui passent normalement leur carrière à l’ombre des projecteurs sont propulsés sur la scène internationale. Les attentes sont élevées chez les téléspectateurs. Avec ses athlètes olympiques, Heidi a tendance à dédramatiser les choses. « Peu importe que ce soient les Jeux olympiques, les Championnats du monde ou les Coupes du monde, le sport reste le même. C’est la perspective qui change, et lorsqu’elle change, on se met de la pression. »

« C’est la perspective qui change, et lorsqu’elle change, on se met de la pression. »

En 2016, la jeune Penny Oleksiak, âgée à l’époque de 16 ans, est devenue une sensation nationale après avoir remporté quatre médailles à la piscine olympique. Lorsqu’elle a été témoin de ces exploits, Heidi Malo craignait pour la suite. « J’espérais qu’elle serait bien encadrée à son retour et surtout, réceptive à de l’encadrement. » Comme de fait, la suite n’a pas été facile. Depuis Rio, la nageuse a parlé ouvertement des difficultés rencontrées et des pendants d’une attention médiatique significative.

Surtout dans le sport amateur, habituellement absent de la couverture télévisuelle, les athlètes entrent dans un cirque médiatique qui leur est inconnu. Des formations sont même offertes aux athlètes pour les préparer aux questions des journalistes. Il n’est pas rare non plus de voir des sportifs répondre aux questions à bout de souffle, quelques minutes seulement après leur performance. À cela s’ajoute toute la pression des réseaux sociaux. Bien sûr, Heidi Malo reconnait pleinement l’importance de la présence médiatique pour promouvoir le sport, mais prêche pour un travail d’introspection.

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