Fraude envers les aînés : perdre les économies de toute une vie
Par France Poirier
Les fraudes économiques sont de plus en plus répandues notamment chez les aînés. Que ce soit la fraude de type « grands-parents », celle du faux représentant ou la fraude amoureuse, les voleurs sont sans scrupule face aux personnes les plus vulnérables. On en discute avec l’agente Mélissa Bossé du Service de police de la Ville de Saint-Jérôme.
« Ce genre de fraude est de plus en plus fréquent et la majorité des victimes sont des personnes âgées », explique la policière. Comme agente aux relations communautaires, elle va à la rencontre des aînés pour leur parler des différentes formes d’arnaque et de prévention.
La fraude aux grands-parents
Dans le cas de la fraude du grand-parent, le fraudeur se fait passer pour un petit-fils ou une petite-fille qui demande de l’argent pour se sortir du pétrin. Les arnaqueurs demandent aussi de garder le secret et de ne pas prévenir les parents pour éviter des ennuis à son présumé petit-enfant. « Il faut savoir qu’ils peuvent utiliser la voix d’un proche avec l’intelligence artificielle. Parfois, le sentiment d’urgence est exagéré de façon à ce que les grands-parents croient vraiment que c’est leur petit-fils ou leur petite-fille. Dans l’émotion, ils n’arrivent pas à distinguer si c’est leur vraie voix », explique la policière.
On suggère aux familles de se doter d’un mot de passe à utiliser dans les échanges ou de vérifier la validité de la personne en lui posant des questions précises. « Dans ce genre de situation, il est important de prendre du recul pour y réfléchir », souligne madame Bossé. Les fraudeurs exigent souvent d’aller retirer de l’argent, de le mettre dans une enveloppe et de la donner à un policier ou à un employé de banque qui passeront la chercher. « Il faut savoir que jamais ni la police ni une institution bancaire ne feraient ça, ajoute-t-elle. Pendant que la personne est au téléphone, un complice attend pour venir frapper à la porte et récupérer l’argent. Ils ne travaillent pas seuls, il y a souvent plusieurs complices. »
« Il s’agit de crime organisé et tout est très bien planifié, explique Mélissa Bossé. Ces criminels travaillent avec des spécialistes en technologies de l’information et recrutent des gens qui vont récupérer les cartes. »
La fraude bancaire
Dans ce cas-ci, une personne vous appelle à la maison en se faisant passer pour un représentant de votre institution financière en vous disant que vous avez été victime de fraude. Vous devez rapidement remettre vos cartes de crédits et de débit avec vos NIP (numéros d’identification personnel) dans une enveloppe et la donner à un policier qui passera les prendre. « Attention ! Les fraudeurs peuvent modifier le numéro de téléphone apparaissant sur l’afficheur, laissant croire qu’il s’agit réellement d’une institution financière. Les banques et les caisses n’agiraient jamais comme ça. Si on vous appelle, dites que vous allez rappeler, mais pas au numéro qu’on vous donne. Rappeler votre banque ou votre caisse à des fins de vérification. De plus, il est important de surveiller régulièrement ses états de compte pour s’assurer qu’il n’y a pas eu de transactions frauduleuses », ajoute l’agente Bossé.
L’arnaque sentimentale ou amicale
Sur les réseaux sociaux, un fraudeur tisse des liens amicaux ou amoureux avec sa victime. Il dit vivre loin de son domicile et ne pas pouvoir la rencontrer en personne. Puis, petit à petit, quand la confiance s’est instaurée, il lui réclame de l’argent pour l’aider à résoudre des problèmes financiers, obtenir des soins de santé ou même acheter un billet d’avion pour venir lui rendre visite… ce qui n’arrive jamais !
« Au niveau de l’arnaque amoureuse, il y a des gens dans la région qui ont perdu jusqu’à 130 000 $. La façon de procéder pour les fraudeurs, c’est d’exiger des petits montants à intervalles réguliers. Au fil du temps, ils s’accumulent. Souvent, ce sont les économies de toute une vie. Il y a même des victimes qui ont donné le montant de leur loyer et sont menacées d’être expulsées pour non paiement. Au poste, des intervenantes sociales font travail de concertation auprès des victimes pour leur venir en aide », raconte l’agente Bossé.
Les crimes peuvent aussi être perpétrés depuis l’étranger. Par exemple, en Côte d’Ivoire, des gens travaillent dix à douze heures par jour en utilisant leur cellulaire pour contacter leurs victimes. Là-bas, l’arnaque est un vrai travail. « Il faut se méfier des gens qui tombent amoureux de vous trop rapidement », nous indique la policière.
À Saint-Jérôme, en deux mois l’hiver dernier, le Service de police a reçu 200 plaintes de différentes fraudes. L’agente Bossé invite les gens à la prudence et à ne jamais révéler d’informations personnelles.