Théâtre : Incendies, toujours d’actualité
Par Rédaction
Par Joëlle Currat
Cette pièce de théâtre écrite en 2003 par Wajdi Mouawad et adaptée au cinéma par Denis Villeneuve sera présentée au Théâtre Gilles-Vigneault le 12 février 2025. Une nouvelle lecture de cette pièce maintes fois jouées se concentre sur les personnages féminins, leur courage et leur résilience.
Le moins qu’on puisse dire au sujet de cette œuvre, c’est qu’elle est bouleversante. La pièce de théâtre et le film qui en a été tiré abordent des thèmes universels : la famille et ses secrets, la quête de soi et l’identité, les conflits et l’horreur de la guerre, ainsi que la violence perpétrée contre les femmes.
Une nouvelle lecture de la pièce nous est proposée par Ines et Elkahna Talbi, les metteuses en scène, dans laquelle la musique et le mouvement occupent une plus grande place. C’est la comédienne Dominique Pétin (Veille sur moi, Pour toi Flora) qui incarne Nawal, le personnage principal, dans une interprétation magistrale qu’elle a déjà qualifiée du « plus beau rôle de sa vie, le plus exigeant ».
Sensibilité et empathie
Dominique Pétin avait vu le film Incendies avant de jouer le rôle de Nawal mais pas la pièce. Elle connaît bien l’œuvre de Wajdi Mouawad pour avoir participé à la création de sa première pièce qui s’appelait Journée de noces chez les Cromagnons au Théâtre d’Aujourd’hui à Montréal en 1993.
Comme beaucoup de gens, la comédienne fut bouleversée après le visionnement du film mais bien plus encore en lisant la pièce. « Le film est davantage centré sur l’action et l’enquête des deux jumeaux pour retrouver leur mère et leur frère, indique-t-elle. La langue est aussi très différente dans la pièce, elle est plus riche, plus soutenue, plus poétique. La sororité et la solidarité entre les femmes y sont aussi plus présentes que dans la version cinématographique ».
Comment aborder un rôle si exigeant et qui a été joué par d’autres comédiennes de talent avant soi ? « Quand on m’a proposé de jouer ce personnage, le conflit entre Israël et le Hamas venait d’éclater, dit Dominique Pétin. Je me suis alors demandé comment faire pour ne pas jouer à la guerre, alors que c’était une réalité pour beaucoup de gens. J’ai choisi d’incarner ce personnage avec le plus d’empathie possible, en me basant sur ma sensibilité. Ma préparation a été presque plus douloureuse que le fait de jouer ce rôle sur scène par la suite. Je me suis nourrie de lectures sur les femmes violentées. »
Une violence décomplexée
Même si cette pièce a été écrite il y a plus de 20 ans, les sujets qu’elle aborde sont toujours d’actualité, dont la guerre au Moyen-Orient, les féminicides, la cruauté. « Ce qui me fait froid dans le dos, c’est que toute cette violence est décomplexée aujourd’hui, confie la comédienne. J’aurais préféré pouvoir dire que les thèmes de la pièce font partie du passé, mais ce n’est pas le cas malheureusement. »
Ceci dit, malgré ses côtés sombres, cette pièce est jouée partout dans le monde et remporte toujours autant de succès aujourd’hui. Comment l’expliquer ? « C’est le propre d’un chef-d’œuvre ! Il y a cette extraordinaire langue de Wajdi Mouawad qui nous va droit au cœur. Et cette souffrance universelle à laquelle tout être peut se relier. »
Une ode à la force des femmes
La lecture de la pièce par les metteuses en scène Ines et Elkahna Talbi propose quelques nouveautés. Le rôle principal est joué par la même comédienne, Dominique Pétin, de 14 à 65 ans, et c’est autour d’elle que s’articule le récit, bien plus que sur l’enquête des jumeaux. La pièce a aussi été raccourcie pour offrir un spectacle sans entracte qui offre plus de musique et de mouvements que dans de précédentes versions.
Par ailleurs, avoir des femmes d’origines différentes à la mise en scène et dans les rôles des personnages souligne le fait que la guerre est vécue par des femmes de partout dans le monde. Dominique Pétin, née d’une mère wendate de la réserve de Wendake, raconte que les metteuses en scène désiraient mettre une femme autochtone au centre du récit. « Même si je n’ai pas grandi sur une réserve, il y a un aspect des traumatismes vécus par les femmes autochtones que j’ai pu mettre au service de cette œuvre, déclare-t-elle. Comme le vol du territoire, la disparition de femmes et la lutte pour les retrouver, la quête d’identité… On peut aussi regarder la pièce sous cet angle. »
Une quête de vérité
À la mort de Nawal, ses jumeaux, Jeanne et Simon, se retrouvent dans le bureau du notaire Lebel pour la lecture du testament. Le frère et la soeur apprennent alors que leur père est toujours en vie et que leur fratrie inclut un frère inconnu. Ébranlé·es, incrédules, Jeanne et Simon se lancent sur les traces de leur passé et remontent le fil de l’histoire de celle qui leur a donné la vie, pour découvrir un destin insoupçonné et tragique, marqué par la guerre, la haine, la colère, l’irréparable… et le courage d’une femme.
À mettre à l’agenda
Quoi : Incendies de Wajdi Mouawad
Où : Théâtre Gilles-Vigneault de Saint-Jérôme
Quand : 12 février à 19 h 30