(Photo : Ève Ménard)
Serge Provencher, n’en est pas à son premier livre. Il a accompagné Édith Lanoir dans l’écriture de son histoire.
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Violence conjugale : Donner un sens à l’inacceptable

Par France Poirier

Lorsqu’elle a décidé d’écrire ce livre avec son ami Serge Provencher, son mentor, Édith Lanoir voulait aider les femmes, et aussi les hommes, aux prises avec la violence conjugale. Son vécu est la preuve de l’espoir qu’elle souhaite leur insuffler : Il n’est jamais trop tard pour s’en sortir.

« Sous le coup des coups, histoire d’une femme broyée » a été écrit en collaboration. Édith Lanoir a profité d’un moment d’arrêt dans sa vie professionnelle comme intervenante au niveau communautaire, alors qu’elle vivait des séquelles du drame dont elle avait été victime quelques années auparavant.

« Depuis que je suis toute petite, j’ai toujours aimé écrire. Je me suis dit qu’il fallait que je dénonce la violence conjugale que j’ai vécue par l’écriture. J’ai des séquelles, j’ai de la peine, mais je n’ai pas vécu tout ça pour rien. Je me sens comme une ambassadrice et je veux dénoncer ça. Je veux expliquer concrètement comment c’est subtil et jusqu’où ça peut aller. » Édith Lanoir a été séquestrée pendant quelques semaines avec ses enfants. Puis, au terme d’une attaque physique extrêmement violente, elle s’est retrouvée dans le coma pendant plusieurs semaines. Aujourd’hui, une grande partie de son visage a dû être reconstruite.

« Ça n’a pas été facile de me replonger dans ces souvenirs, ç’a pris une année. J’écrivais, je me relisais et je partageais avec Serge. Quand j’écrivais cette histoire, j’avais de la difficulté à imaginer que c’était bien moi qui avais vécu tout ça. » Elle souligne qu’à ce jour, elle n’a pas été capable de lire le livre au complet.

Vivre la culpabilité

Elle a eu une belle vie professionnelle. Jeune, elle a été mannequin, son visage était reconnu partout. Par la suite, elle a fait une carrière en intervention sociale parce qu’elle aime aider les autres. Édith est la preuve qu’il n’existe pas de profil type ou de cadre à la violence conjugale. La culpabilité l’a rongée longtemps et la ronge parfois encore aujourd’hui, bien qu’elle sache pertinemment qu’elle n’y est pour rien. « Longtemps je me suis sentie coupable d’avoir vécu ça, surtout par rapport à mes enfants. J’étais une fille très colorée qui aimait le monde, j’allais aider les gens, j’avais le cœur sur la main. Peut-être que j’ai couru après, que j’aurais pu avoir toute ma tête et être moins dans mes émotions. Quand il est arrivé dans ma vie, je n’ai rien vu venir, je n’ai rien décodé. »

La honte pèse-t-elle davantage sur la femme battue que celui qui frappe? Édith croit effectivement qu’elle repose encore sur les femmes, malheureusement. « Nos filles, nos nièces, il faut les protéger, les équiper parce qu’elles sont vulnérables. Ce sont encore les mêmes préjugés, ça n’a pas beaucoup évolué. » Il est donc primordial pour l’auteure d’éduquer les filles et les garçons rapidement, puisque la violence verbale et physique commence de plus en plus jeune.

La peur de ne pas y arriver

Édith souhaite aussi démentir la croyance populaire selon laquelle la femme n’a qu’à quitter une relation toxique pour y échapper. Ce n’est pas si simple. « La peur est grande et tu es prise. Tu as peur de partir, de perdre tes enfants. Tu as peur de ne pas être assez forte, d’être jugée au tribunal ou par les gens. Tu as peur de ne pas être capable d’y arriver, peur de mourir, peur qu’il arrive quelque chose à tes enfants. C’est tellement gros et tellement vrai. »

Elle souhaite porter le flambeau pour aider les gens à dénoncer et surtout, les pousser à se mobiliser. Selon Édith, la conscience populaire n’est toujours pas suffisamment éveillée. Il manque de mobilisation. Il y a 25 ans, l’auteure était présente à la marche du pain et des roses et depuis, elle est témoin de peu de changements.

« En 1995, j’étais une militante et encore aujourd’hui, c’est la même chose qui se répète. On est dans une position de vulnérabilité tout le temps. »

Porter le flambeau

« Je ne veux pas avoir vécu ça pour rien, je ne veux pas que mes enfants aient vécu ça pour rien. Je veux que ça serve. Si je peux porter le flambeau, ça va me faire plaisir. Ça va être un privilège, ça va m’avoir donné une raison pour avoir passé au travers de la vie et d’être restée vivante. Ne serait-ce pour dire aux autres qu’il ne faut jamais abandonner. » Édith Lanoir se donne aujourd’hui cette mission de vie, celle de dénoncer et de mobiliser.

Son message d’espoir

« Il faut trouver des solutions et du courage. De croire qu’on peut s’en sortir même quand on est dans le trou noir et qu’on pense qu’on ne s’en sortira pas. […] Tu peux t’en sortir, il ne faut jamais abandonner. Pour les ceux qui connaissent quelqu’un qui vit des choses difficiles, mentalement, financièrement, physique-ment, ne serait-ce qu’un coup de téléphone par jour, une petite attention particulière pour mettre de la joie et briser la solitude. Ce n’est pas de se mêler des affaires des autres, c’est juste de prendre soin les uns des autres. D’y croire, un pas à la fois, qu’on peut s’en sortir. Si ensemble on y croit et qu’on s’aide, on peut changer les choses pour le bien commun. »

Synopsis

Si chaque témoignage de violence conjugale est à la fois fascinant et effrayant, celui-ci s’avère exceptionnel parce que jamais les contrastes n’auront été aussi puissants. Voici l’histoire d’une beauté rare faisant l’unanimité, qu’on vienne d’Hollywood ou de Paris, mais le trajet de cette jeune Québécoise piquera du nez jusqu’au trente-troisième sous-sol.

Sous le coup des coups – Histoire d’une femme broyée est disponible en version numérique sur le site des librairies comme Renaud-Bray ou chez Heures Bleues. L’ouvrage est également accessible en version papier.

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1 Comment

  1. Loyola Leroux

    Serge Provencher est l’homme tout désigné pour dénoncer la violence des hommes. Sa grande sensibilité, son souci de l’Autre, son ouverture d’esprit face aux vulnérables, aux déplorables, aux petites gens, le qualifient d’emblée pour aider les femmes de sa vie. Il l’a déjà fait dans un de ses premiers livres en dénonçant le traitement des malades mentaux. 

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