Navigation : Une première traversée de l’Atlantique réussie
Par Luc Robert
Aussi loin qu’elle se souvient de son enfance, Mélanie Riendeau adorait naviguer sur les flots. À 48 ans, elle vient de réaliser son rêve de franchir l’Atlantique à bord d’un catamaran.
À bord du One Love, une embarcation de 41 pieds, la Prévostoise a effectué sa première traversée transatlantique à voile, du 17 mai au 17 juin derniers.

« Le One Love a démarré son périple à Fort-de-France, en Martinique, mais je me suis joint à l’équipage à partir des Bermudes. De là, nous avons traversé l’Atlantique via une escale aux Açores, avant de mettre le cap final vers Cascais, au Portugal. On parle d’une traversée de 21 jours au total, dont 13 pour se rendre aux Açores, pour un repos. Mon escapade totale aura été de 2 800 milles marins, soit environ 5 265 km terrestres », a calculé Mélanie, planificatrice financière et représentante de courtier au Groupe Investors, dans la vie de tous les jours.
Cette dernière a réalisé son périple avec le capitaine Wilfrid Meyer, ainsi que les équipiers Pierre Ranger et Étienne Desmarquais.
« J’étais la seule dame du quatuor d’équipage. Je suis reconnaissante que Wilfrid m’ait recrutée. Dans le domaine de la voile, il y a encore l’idée préconçue qu’un marin, ça doit être un homme. Les filles ont de la misère à percer dans le milieu. Je ne suis pas féministe, mais si ça peut inspirer d’autres dames, tant mieux ! Will m’a sélectionnée pour mes compétences et ma présence. Quand je naviguais ailleurs, ça arrivait que les équipiers fassent un rapport à un homme, alors que c’était moi le skipper (capitaine). J’ai l’intention de pousser plus loin encore mes formations », a-t-elle assuré.
Perfectionnement
Mélanie entend atteindre dès maintenant les plus hautes sphères techniques de la navigation.
« Ça fait 40 ans que je suis une « voileuse », de moussaillonne à capitaine-navigatrice, et un jour prochain exploratrice ! Je me suis en effet engagée à revenir au Portugal en septembre, afin de passer le niveau ultime de qualification, soit devenir Yacht Master, une formation de navigation certifiée mondialement et offerte par le Royal Yacht Association (RYA) britannique. Je ne dirais pas non à une autre traversée d’océan », a-t-elle ajouté avec vigueur.
Âgée de 48 ans, Mélanie Riendeau avait à peine 7 ans lorsque son père Jean-Claude l’a initié à la voile, près d’Oka.
« Ça fait 40 ans que la voile fait partie de moi, de mon style de vie, de mes façons de penser et d’être, de mes rêves et de mes ambitions. Pour moi, la voile c’est bien plus qu’un voilier, bien plus que tout accastillage, poulies, écoutes, drisses, amarres et tackets, bien plus que le vent dans une voile, que l’eau qui frappe la coque, qu’un moyen de transport, qu’un sport ou qu’un endroit de villégiature, que tous les instruments à manipuler et les cartes pour nous orienter : c’est un mode de vie. La mer s’est ouverte à moi ! », a-t-elle tranché.
Avec sa sœur Marie-Ève et son frère Philippe, les Riendeau ont appris les rudiments de base sur le capricieux lac des Deux-Montagnes, reconnu pour ses hauts fonds et ses changements brusques de la provenance des vents.
« On a appris les manœuvres là et sur le lac Champlain (dans l’État de New York). Ce style de vie est maintenant ancré dans mon sang. Je suis revenue à mes origines, récemment, en me rachetant un petit voilier à Oka. Je suis aussi inscrite à une course féminine à Lévis, ce mois de juillet. Le parcours se tiendra plus à l’Est, avec un circuit nautique aménagé autour de l’Isle-aux-Coudres. J’ai encore de l’ambition. »
Horaires fixes
Le calendrier de la traversée de l’Atlantique était minuté au quart de tour, parmi les équipiers.
« On fonctionnait avec des quarts de vigie et de conduite précis, à raison d’horaires de trois heures, deux fois par jour. J’ai pris les shifts de 3 h à 6 h du matin et de 15 h à 18 h. Par mesure de sécurité, on réduisait les manoeuvres au minimum la nuit. Lors des urgences, on pouvait se faire réveiller pour aider le duo en place. On était autonome, avec notre eau et nourriture. On fabriquait même notre propre pain maison », s’est-elle amusée à y repenser.
Pépins mécaniques
En cours de traversée, le One Love a toutefois connu des avaries mécaniques.
« C’est arrivé de devoir rembarquer dans nos combinaisons humides pour aller aider les autres. On demeurait alertes, même si on était tous brulés. À un moment donné, la bôme a lâché. Une visse de poulie du gouvernail a cédé : on l’a presque perdu dans l’eau ! Un joint scellant a aussi cédé. Et le comble : notre anémomètre (qui mesure les vents) est tombé en panne. Une chance, nous avions un ingénieur à bord. On s’est regroupé les quatre et on a trouvé des solutions de rechange. »
Avant de se perdre, ils ont lancé un appel à une connaissance en France pour les dépanner.
« La navigation, c’est l’utilisation intelligente, et surtout intuitive, des forces de la nature, pour tracer ton chemin sur l’eau. Mal pris, on a embauché un « routeur » en Bretagne, qui nous guidait via les images satellites. Une fois par jour, il envoyait les conditions actuelles, selon notre point de localisation. Il a mis à notre disposition les prévisions météorologiques et de l’état de la mer à courte et moyenne échéance, un calcul des pertes de vitesse probables selon l’état de la mer, ainsi que des informations sur les zones de tempêtes à éviter pendant la traversée. Quand tu fais face à des vagues de 2,5 m sans instruments, ça devenait rock’n roll ! »
Jamais malade
Alors que les marins d’eau douce se retrouveraient rapidement la tête dans le bol de toilette, Mélanie a conservé le bon état de son estomac.
« C’était interdit totalement de boire de l’alcool à bord. Malgré le froid et diverses odeurs, je n’ai pas eu le mal de mer. C’est revenue à la côte que j’ai subi le mal de terre, pendant plusieurs jours, avec des pertes d’équilibre. »
Expérience enrichissante
La navigatrice québécoise tire des leçons positives de la traversée, malgré les pépins rencontrés.
« La contemplation, de l’immensité bleue à l’infiniment petit du bio-phosphorescent, en passant par la ligne circulaire de l’horizon, c’était magique. Les astres et les étoiles, du ciel vers notre cœur, wow ! Les éléments, l’eau, le vent et tous ces vivants curieux et intelligents de toutes espèces marines et d’air salin ont été des conducteurs d’émotions fortes, d’introspectives qui inspirent les mouvements, les changements. La houle et les vagues nous ont rappelé de bien respirer la vie, au rythme de leur musique. Les fraternités qui naissent et coexisteront entre marins et leur solitude va bien au-delà des passages communs en mer. C’est vivre en constant dépassement de soi, cette épopée, toujours dans le respect des limites de dame Nature », a-t-elle fait valoir.
Comique à ses heures, Mélanie Riendeau a cité le capitaine Haddock, sans ses jurons dans les aventures de Tintin.
« Ça a été ma 1re transatlantique à voile, mais ce ne sera pas ma dernière, promis-juré ! Mille milliards de mille sabords ! Mon père est établi à Vancouver 6 mois par année. Il a racheté une embarcation, qu’il entend déplacer avec sa conjointe jusqu’au Costa Rica : je m’en viens ! Baisés salés, de capit’aime Mel ! »