Grandir grâce aux champignons

Par Simon Cordeau

De chez lui à Val-Morin, au bout d’un chemin boisé, Alexandre Tessier passe par un petit sentier pour se rendre à sa champignonnière, dans la cour de ses parents. Avec sa conjointe Anne-Marie Bourgeois, l’agronome de formation a fondé Champignons du versant pour avoir « un travail qui fait du sens ». Et en vendant ses champignons localement, il a trouvé une place dans sa communauté.

« Mais la culture de champignons, c’est tellement marginal qu’il n’y a pas vraiment de formation académique. » Alexandre a donc appris « sur le tas », à force d’essais, d’erreurs, d’expérimentations, et avec un peu d’aide, dont de Violons et champignons au début, mentionne-t-il. « C’est la cinquième année, et on est encore en train de peaufiner chaque variété. Chacune a ses particularités. »

Ferme familiale

Alexandre a converti le garage de ses parents en champignonnière. C’était la maison de son grand-père, jusqu’à ce que ses parents y emménagent après leur retraite. Et le petit endroit est utilisé à son maximum. « C’est sûr qu’il faut faire des compromis, vu que tout pousse à la même place. On choisit des variétés qui peuvent cohabiter, avec la même température et le même niveau d’humidité. Ce sont toutes des variétés qui poussent sur du bois. »

L’agronome souligne qu’il travaille étroitement avec sa conjointe. « C’est nous deux. On fait tout. Même les enfants ont commencé un peu. Hier, le plus jeune a livré des champignons chez le voisin. Il est venu aussi pour mettre les étiquettes sur les barquettes qu’on vend en épicerie. »

Incubation

Pour les champignons, tout commence par la période d’incubation. Des blocs de sciure de bois sont inoculés avec une variété de champignon. Celui-ci y développe ensuite son mycélium : un réseau de fibres pour se nourrir et grandir. Les pleurotes, par exemple, prennent de sept à dix jours d’incubation, selon la température, avant de commencer la fructification.

Pour les shiitakes, la période d’incubation peut prendre de deux à trois mois. « C’est une période vraiment longue et qui prend beaucoup d’espace. J’en mettais dans le sous-sol de mes parents, mais ça ne faisait plus de sens. » Maintenant, il achète donc des blocs déjà prêts à fructifier. « Ce sont les seuls », précise Alexandre.

Fructification

Dans la pièce de fructification, les blocs sont alignés sur des étagères. Des champignons à différents stades de croissance en sortent et remontent vers le plafond. « On a une belle récolte ce matin ! », s’exclame Alexandre.

Il me montre les crinières de lion, de grosses boules blanches qui ressemblent à de la peluche; les pleurotes jaunes et noires, qui forment une forêt serrée de bonnets; et les shiitakes, qui commencent à émerger.

Les champignons prennent à peu près sept jours à fructifier. « Avec notre espace, on choisit aussi des variétés assez rapides. » Ce qu’on récolte et mange, c’est le carpophore : le fruit en quelque sorte. « Sa fonction, c’est la reproduction : de libérer des spores pour se répandre. Puis, après ça, c’est la décomposition. »

Il faut donc récolter les champignons juste au bon moment, lorsqu’ils sont matures, mais pas encore complètement ouverts. « Parce qu’après ça, la durée de conservation diminue beaucoup. C’est beaucoup de minutie dans le timing. » Par temps chaud, comme durant la canicule de fin juin, les champignons poussent plus rapidement. « On roule beaucoup. Il faut faire plus qu’une récolte par jour. »

Savourer

Champignons du versant vend ses produits au marché de Saint-Jovite et dans quelques épiceries, mais fournit surtout des restaurants. « Dès le début, la croissance était très organique. Ç’a commencé avec un restaurant, puis deux. Quand j’ai vu l’enthousiasme des restaurateurs pour un produit local, je me suis dit que ça pourrait peut-être marcher », raconte Alexandre.

« Et le mot se passe », ajoute Anne-Marie. « C’est un petit monde. Les chefs se parlent entre eux et changent d’établissement. » Les restaurateurs aiment que les récoltes soient régulières et disponibles à l’année. Cela assure que les champignons peuvent rester sur le menu.

Grandir

Mais l’espace manque pour répondre à la demande grandissante. « On passe notre temps à tout déplacer. Tout est sur roulette, et il n’y a pas un pied carré qui est négligé », indique Alexandre. Ainsi, il fait construire un nouveau bâtiment, juste à côté de chez lui, qui devrait être prêt à la fin de l’automne prochain.

L’agronome a déjà hâte d’expérimenter avec de nouvelles espèces. « Ça va nous permettre de faire la pleine incubation pour nos shiitakes, et de rajouter du maitake, du pioppino et plein d’autres variétés. »

Mais Alexandre tient à ce que sa production demeure familiale et artisanale. « J’ai commencé ce projet-là pour avoir un travail qui fait du sens pour moi, qui est concret. Il y a quelque chose de beau et de simple à produire un aliment, et de le vendre localement à des restaurateurs qui vont le transformer et l’amplifier avec leurs techniques. Ça reste dans la communauté. »


Des champignons à découvrir

Le pleurote bleu

« Il passe partout et sa texture est versatile. Il a du tonus et des arômes boisés qui sont appréciés, mais son goût reste doux », propose Anne-Marie pour s’initier.

La crinière de lion

« C’est le flyé. Il est à la fois médicinal et gastronomique. Il est bizarre aussi : il ressemble à un gros pompon blanc », explique Anne-Marie. Il peut remplacer la galette de viande dans un burger, ou être grillé après une marinade rapide.

Le pholiote

« Il a un petit goût de noisette, une fois grillé. Je l’aime beaucoup en garniture. Il a une belle forme et garde un côté croquant, même quand il a cuit longtemps », indique Alexandre.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *