(Photo : Archives)
Le forum se tiendra les 28 et 29 avril prochains à l'UQO.
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Un forum pour repenser l’éducation et rêver son avenir

Par Ève Ménard

Un forum citoyen sur l’avenir de l’éducation aura lieu à l’UQO, campus de Saint-Jérôme, les 28 et 29 avril prochains.

Il s’agit de l’initiative citoyenne Parlons éducation, une démarche qui invite les personnes interpellées par l’éducation à partager leurs points de vue et à échanger dans le cadre de 19 forums qui ont lieu ce printemps, dans 18 villes du Québec. 

Le forum tenu à Saint-Jérôme se déroulera sur une journée et demie: le vendredi à compter de 19 h et le samedi en journée. On vise une centaine de participants, nous dit le responsable local, David Lefrançois. Le professeur en sciences de l’éducation à l’UQO témoigne d’une grande médiatisation des enjeux éducatifs. « On a vu beaucoup d’articles dans les journaux sur la pénurie d’enseignants, sur la réussite des élèves ou la qualité du français. C’est un enjeu d’actualité depuis quelques années. Mais il n’y a pas vraiment de lieu de délibération », note-t-il. Ces forums visent à pallier ce manque, afin d’offrir à l’ensemble de la population un lieu de discussion et de débat sur l’éducation québécoise.

Tout le monde est d’ailleurs invité à y participer. Dans les inscriptions, on compte déjà sur la présence d’enseignants en poste ou retraités, de parents et d’étudiants, indique David Lefrançois. Deux étudiants de l’UQO, une à la maîtrise et l’autre au doctorat, s’impliquent d’ailleurs dans l’organisation du forum local. On discute avec eux de leur propre parcours scolaire, de leurs travaux de recherche et de leur vision de l’éducation.


Les thèmes du forum

  1. Repenser la mission de l’école d’aujourd’hui et de demain
  2. Construire un système d’éducation équitable pour tous les élèves
  3. Viser l’inclusion sociale et culturelle de toutes les populations scolaires
  4. Respecter et valoriser les compétences professionnelles des personnels scolaires
  5. Démocratiser le système scolaire québécois dans toutes ses composantes

Jesse Schnobb : Quelle place à la créativité dans nos écoles?

Jesse Schnobb est étudiant au doctorat à l’UQO. Il travaille sur la place de la créativité à l’école.

Jesse Schnobb est étudiant au doctorat à l’UQO, campus de Saint-Jérôme. Son parcours post secondaire, plutôt atypique, rassemble une pluralité d’expériences. D’abord, il complète une technique en génie civil. Ensuite, il poursuit au baccalauréat en plein air et tourisme d’aventure, puis à la maîtrise en gestion de projet. À travers ses recherches, il découvre que le succès des grands leaders du monde des affaires ne s’explique pas nécessairement par le stratège ou les compétences. Il s’explique plutôt par la force des liens tissés avec l’équipe et l’apprentissage mutuel entre ses membres.

C’est à ce moment-là que l’étudiant en vient à se questionner sur les rapports éducatifs et sur la place qu’on fait à la créativité et aux esprits divergents dans nos écoles. Dans un contexte de pénurie de main-d’oeuvre et de décrochage scolaire, Jesse Schnobb se questionne sur la manière dont l’école peut offrir une meilleure place à tous, pour que chacun puisse contribuer à sa façon. Son doctorat se penche donc sur la gestion de la créativité dans les milieux scolaires. « Ces entrepreneurs, ces artistes, ils ont beaucoup d’autodétermination et de créativité. Mais ils sont dans un système qui vise la conformité, parce qu’il y a un programme à respecter. Comment fait-on pour trouver une place à ces jeunes, à leurs compétences et à leurs pensées divergentes, dans un système qui doit tout de même avoir une certaine convergence? Il s’agit de trouver cet équilibre », explique l’étudiant.

Partir de sa propre expérience

De son entrée au primaire à aujourd’hui, Jesse Schnobb a vécu une expérience scolaire variée. « Je suis passé d’un bout à l’autre du spectre », dit-il. Au primaire et au secondaire, il est un élève très normal, typique, sans grand engagement. « Je n’étais pas excellent, mais pas mauvais non plus », résume Jesse. Au Cégep, puis au baccalauréat, la situation change complètement : bourses, prix, reconnaissance, notes incroyables et engagement étudiant significatif. Arrivé à la maîtrise et au doctorat, ça devient toutefois plus difficile.

Pour expliquer la distance entre ses expériences, Jesse Schnobb réfléchit justement à la place accordée à la créativité. Avant même d’apprendre la matière, l’école socialise les individus aux règles et aux codes sociaux, souligne l’étudiant. Il y a donc une obligation à se conformer et à suivre le programme en place. « Dans mon parcours, plus tu montes et plus tu vises à te conformer à la méthode scientifique et à la procédure », explique Jesse. Des tensions émergent alors entre le besoin de créer et le besoin de se conformer. « Pour moi, le décrochage, c’est le résultat d’une interaction entre le cadre et les particularités individuelles. »

Aux études supérieures, Jesse a lui-même pensé au décrochage. Mais plutôt que d’arrêter ses études, il a choisi de combler son besoin de créer ailleurs : il a créée sa propre entreprise en service-conseil en gestion.

Tout le monde passe par l’éducation

À l’aube du forum, Jesse Schnobb souhaite maintenant entendre les points de vue de la population. De son côté, il a déjà sa plateforme – sa thèse de doctorat – pour exprimer ses idées. C’est au tour des autres. « J’ai envie que les gens parlent de ce qu’ils ont envie de parler, de ce que les touche dans leur vie. On veut que ça émerge, leurs envies, leurs rêves par rapport à l’éducation. Tout le monde est passé par là, donc tout le monde a une expérience. Et si tu as des enfants, tu la revis deux fois. S’il y a des gens pour qui l’école a été difficile ou qui ont décroché, on veut les entendre aussi. »

Caroline Major : « Ce n’est pas pour moi, je ne peux pas être prof »

Caroline Major est étudiante à la maîtrise en éducation à l’UQO, campus de Saint-Jérôme. Elle travaille sur l’inclusion des enfants en situation d’handicap ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (HDAA) dans les classes régulières. Major rêvait d’abord d’enseigner aux plus jeunes. Mais sa formation et son premier stage la désillusionnent complètement. Elle réoriente finalement ses études vers la maîtrise. Maintenant, l’étudiante veut offrir de nouveaux outils aux enseignants et à répondre à ses propres questionnements.

Caroline évoque un parcours scolaire primaire et secondaire très positif. C’est aux études post secondaires, dans le domaine de l’enseignement, qu’elle témoigne des lacunes dans le système d’éducation.

Peu de place pour le changement

L’étudiante commence avec un baccalauréat en psychoéducation et poursuit ensuite au baccalauréat en adaptation socio-

Dans ses travaux de maîtrise, Caroline Major travaille sur l’inclusion des enfants HDAA dans les classes régulières.

scolaire, dans l’objectif d’éventuellement devenir orthopédagogue. À l’époque de ces études universitaires, Caroline Major a l’ambition de devenir une enseignante avec une vision renouvelée, tournée vers l’inclusion et la bienveillance à l’égard des enfants. Après deux ans au baccalauréat en adaptation socio-scolaire et un premier stage, le métier d’enseignante ne lui convient plus.

Les mauvaises conditions de travail et les vieilles mentalités ne laissent pas place au changement. « Je me suis dis ce n’est pas pour moi. Je ne peux pas être prof. On me parle du programme éducatif, des corrections de dictées, mais pendant ce temps-là, il y a pleins d’enfants qui ont des difficultés d’apprentissage ou d’adaptation. Qu’est-ce qu’on fait d’eux? On les sort un peu, on s’adapte, mais ce n’est pas suffisant. » Ce qu’elle voit dans les écoles et ce qu’elle apprend dans sa formation ne conjugue pas avec sa vision douce, bienveillante et inclusive de l’école.

Des enseignantes débordées

Pourtant, les bienfaits de certaines techniques d’apprentissage sont connus et documentés. Caroline Major donne l’exemple des pratiques pédagogiques qui incluent les pairs. Il peut s’agir de disposer la classe de manière à favoriser le travail d’équipe, de proposer de l’apprentissage coopératif, de faire corriger et réviser les travaux par les camarades de classe, ou de regrouper un élève en difficulté avec un élève qui a plus de facilité. « Les enfants sont plus engagés dans des tâches qui impliquent leurs pairs que seulement l’enseignante. Il y a donc des bénéfices sur l’apprentissage, mais aussi au niveau de la socialisation », explique Caroline Major.

L’implantation de nouvelles approches demande toutefois du temps et de la motivation, ce qui est difficile dans un contexte où l’école est « tenue à bout de bras » par un corps professoral débordé. L’étudiante à la maîtrise déplore les conditions de travail des enseignantes. Selon elle, cette réalité limite l’impact ou l’implantation de nouvelles manières d’enseigner ou de comprendre l’enfant. « La mission de l’école n’est pas seulement d’instruire, mais aussi de socialiser, de qualifier et de former de futurs citoyens. Mais comment y on arrive si les professeurs sont débordés et qu’ils ne savent pas comment agir avec les élèves avec des difficulté d’apprentissage ou d’adaptation? »

 

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