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Une Jérômienne se questionne sur son passé

Par Luc Robert

La Jérômienne Juana (Iris Escobar) Laurin espère connaître enfin la vérité sur ses origines et son adoption, après avoir récemment suivi à la lettre des procédures de prise d’ADN, qui seront analysées par l’organisme «23andMe» à des fins de généalogie.

Celle qui est connue comme photographe des Panthères a décidé d’envoyer un échantillon de salive dans une éprouvette scellée à l’organisme américain, pour en savoir plus sur son passé.

« Ils vont tenter de déceler des informations pour retracer mes origines guatémaltèques. Je suis censée avoir 35 ans, mais ça pourrait être plus. Placée toute petite à l’orphelinat, les documents me concernant pourraient avoir été falsifiés: à l’époque, une guerre civile sévissait et le trafic d’enfants enlevés servait souvent à financer les milices. On a d’ailleurs fait état de nombreux prête-noms et de la documentation inventée pour plusieurs enfants adoptés. Si ce qui est écrit est exact, je pourrais provenir d’une tribu maya », a-t-elle soulevé.

Juana Laurin a effectué l’exercice d’ADN avec une collègue provenant du même orphelinat (Lisa Martinez) de Guatemala City, qui se prénomme… Yohana Laurin !

« On s’est connue via le même service d’adoption, « Enfants d’Orient ». Ils font des pique-niques annuels à Montréal pour d’anciens enfants adoptés ici. Je suis arrivée au Québec à l’âge de 2 ans et demie en 1988. Au Guatemala, j’aurais été retirée de ma famille biologique à cause de possibles chicanes parentales. Ce n’est pas clair, à savoir si mon père ou mon beau-père biologique m’aurait maltraitée. J’ai eu une fracture à un fémur, au bras gauche et au crâne. J’ai conservé des cicatrices à la tête. Mais comment savoir la vérité : il n’y a aucune radiographie rattachée au dossier ? », s’est-elle questionnée.

Racines laurentiennes

Le père adoptif de Juana provient de Sainte-Marguerite. M. André Laurin habite aujourd’hui à Sainte-Adèle. Sa mère est d’origine libanaise. Mme Nouhad Gedeon a résidé à Sainte-Rose (Laval), avant d’élire domicile à Montréal (arrondissement Saint-Laurent).

« Mes parents québécois ont suivi à la lettre les démarches et le processus d’adoption de cinq ans. Mon père est tellement ordonné dans ses papiers qu’il a aidé à mes recherches. Ils ont été bons pour moi. J’ai fréquenté l’école élémentaire privée Louis-Pasteur, puis j’ai fait mon secondaire à Laval et à Montréal au public. Avec mon teint basané, les gens m’abordaient souvent en espagnol, que je baragouine à peine (rires). Tout s’est déroulé en français dans mon entourage de jeunesse. De plus, selon les papiers, mes parents biologiques seraient censés parler un dialecte maya. Allez différencier le vrai du faux, dans ces documents-là… ».

La Belgique

Pour tenter de démêler son passé, Juana Laurin est aussi entrée en contact avec un organisme belge.

« J’ai commencé à écrire au consulat guatémaltèque de Montréal en 2015, mais ils ne m’ont pas aidé. En 2019, j’ai fait appel à l’organisme belge «Racines perdues», pour effectuer d’autres recherches. Un anthropologue n’a rien trouvé, et puis les parents biologiques qui m’étaient attribués par écrit auraient plus de 100 ans. J’ai conclu que c’était impossible et que je repartais à zéro. Ce fut très émotif et dur à digérer. »

Sur place ?

La dynamique petit bout de femme s’était convaincue d’y voir clair sur place, mais son projet de voyage vers l’Amérique centrale a été contrecarré.

« Je veux aller à Guatemala City pour démêler tout ça, mais la pandémie a tout ralenti. Ma quête identitaire est profonde : les Mayas n’ont pas l’habitude de donner leurs enfants. Mais en temps de guerre, qui sait ce que je serais devenue sans l’adoption ? Là-bas, il y a des bidonvilles et des filles partout dans les rues. J’ai été chanceuse d’arriver au Québec », a poursuivi la maman de Félix (16 ans), Daphnée (bientôt 15 ans) et de Jade (13 ans).

Situation chaotique

Selon des articles publiés par le Devoir et le Courrier international, en 2007 et 2013, des recherches auprès de plusieurs orphelinats et maisons d’accueil susceptibles d’avoir hébergé des enfants de la guerre ont été visitées. Lorsque des chercheurs internationaux ont trouvé des documents qui auraient fait état de redevances jusqu’à 50 000 $ par enfant « vendus » à des organismes d’adoptions illégales, un feu d’édifice aurait fait disparaître toute trace de ces documents sensibles dès le lendemain.

« Nous sommes une quinzaine d’adoptés de la même cohorte à être en contact au Québec. Certaines avaient des mères pauvres, d’autres ont peut-être été volées au marché public (autre pratique connue). La propriétaire de mon orphelinat, qui me tient dans ses bras sur une photo, a été arrêtée pour rapts d’enfants. J’ai fait des recherches sur elle. Psychologiquement, ça laisse des séquelles », a-t-elle achevé.

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