Jacques Grand'Maison.
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Le sort des tiers comme degré d’humanité

Par Lpbw

NDLR. Nous poursuivons la publication des réflexions du réputé sociologue et théologien jérômien Jacques Grand’Maison. Réflexions que M.Grand’Maison a placées sous le thème « Des valeurs et repères dont on ne parle pas ou si peu dans l’état de nos mœurs actuelles ».

Toujours dans une perspective humaniste, on peut dire que le degré d’humanité d’une société se révèle surtout par le traitement de ses tiers, à savoir les enfants. Les pauvres, les exclus, les malades, etc. Bref, ceux qui n’ont que leur humanité à mettre dans la balance, hors des rapports de force entre les tenants de pouvoir ou d’avoir.

Un monde déchiré

Ce sont ces tiers qui souvent nous humanisent et nous amènent à des dépassements. Dans un monde déchiré de toutes parts, on peut se demander si la seule base commune qui nous reste n’est pas le rapport des adultes avec leurs enfants, et cela sur les cinq continents.

Mais qu’il y ait encore des millions d’enfants esclaves ou soldats, comment ne pas y voir la plus grave barbarie, comme le sont les guerres modernes qui ont des armes de destruction massive qui tuent aussi massivement les civils, femmes et enfants. Mais chez nous, il y a aussi des déshumanisations quand, dans les litiges entre adultes, on se sert des enfants pour régler ses comptes.

Profonde inquiétude

J’ai consacré ma vie aux enfants des autres. J’ai noté assez souvent qu’on est généreux pour ses enfants et ses petits-enfants, mais qu’en est-il des enfants des autres?

J’arrive à ma dernière étape de vie avec une immense et profonde inquiétude sur ce que l’on est en train de transmettre aux petits enfants actuels et aux prochaines générations. Tel l’état délabré de la terre et une montagne de dettes, entre autres ruines. Plusieurs contemporains disent : « Heureusement on ne sera plus là. On est bien chanceux. » Il faut à tout prix réviser nos positions là-dessus.

Une recherche actuarielle, hélas tablettée, laisse entendre que les nouvelles générations auront à payer beaucoup plus de taxes, de cotisations et d’impôts. Et puis, il y a l’autre possibilité qu’il y ait plus ou moins prochainement deux classes sociales : les héritiers et les non-héritiers.

Inégalités intergénérationnelles

Il y a déjà deux classes : les protégés à vie et les précaires qui l’ont été tout au long de leur vie. Autre signe avant-coureur à savoir le phénomène inattendu de la première génération, depuis la dernière guerre mondiale, qui n’aura pas des conditions de revenus de leurs parents. Dans bien des groupes protégés à vie on ne veut rien savoir des inégalités intergénérationnelles et des nouveaux partages à accepter en toute justice.

On peut peut-être espérer que la longévité et ses cycles de vie accrus permettent des transmissions et des nouvelles solidarités plus qualitatives.

Par-delà le facteur générationnel, il y a des impératifs qui concernent toute la société. C’est le cas des valeurs humanitaires à la prise en charge des plus vulnérables. Même les meilleures politiques sociales ne peuvent remplacer les solidarités de milieu et les pratiques communautaires d’entraide. Mais il y a des styles de vie qui sont à contre-courant de ce souci. Je vais donner un exemple de déshumanisation amorale.

Je m’inspire d’un dossier publié, dans le New-York Times. On y présente une classe sociale de bien-nantis qualifiés comme « invulnérables». Ceux-ci se donnent un aménagement et un environnement d’inaccessibilité la plus totale à toute forme de vulnérabilité et surtout pour les différents types de gens vulnérables (par exemple, l’exclusion des enfants).

Est-ce une nouvelle version du Titanic insubmersible? Les « petites gens vulnérables » pourraient peut-être faire découvrir à ces invulnérables leur inhumanité.

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