Le Lac à la truite à Sainte-Agathe-des-Monts, l’un de ceux affectés par le myriophylle à épis. (Photo: CRE des Laurentides)
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Innovation et protection

Par Ève Ménard

Près de chez nous, de plus en plus de municipalités vivent des inondations à l’extérieur des crues printanières. En mai dernier, un derecho a causé d’importants dégâts dans la région. L’impact des changements climatiques devient bien concret. Sur quoi devons-nous agir rapidement dans les Laurentides?

Mobilité durable

Anne Léger est directrice au Conseil Régional de l’Environnement (CRE) des Laurentides. Ce qu’il faut d’abord comprendre, c’est que les enjeux environnementaux ne sont pas les mêmes partout dans la région, puisque certains secteurs sont davantage urbains, et d’autres plus ruraux. 

Plusieurs bornes électriques sont installées sur le territoire de Saint-Jérôme.

Plusieurs bornes électriques sont installées sur le territoire de Saint-Jérôme. (Photo: CRE des Laurentides)

Il existe toutefois une thématique transversale sur laquelle le CRE des Laurentides se penche plus sérieusement depuis 2018 : la mobilité durable. 

« L’objectif est d’être moins dépendant de l’auto solo. Il existe plusieurs solutions possibles comme le transport actif, le transport collectif ou le stationnement incitatif pour encourager le covoiturage », donne en exemple Anne Léger.

« Se déplacer dans les Laurentides de manière écologique, de Sainte-Adèle à Saint-Jérôme par exemple, c’est difficile », affirme pour sa part Joey Leckman, conseiller à la Ville de Prévost et environnementaliste. Les initiatives pour entamer un virage écologique en ce sens prennent du temps et sont souvent peu appuyées. Le conseiller donne l’exemple de la route 117 à Prévost, qui est sous la juridiction du ministère des Transports du Québec : « Pour avoir quelques centaines de mètres supplémentaires de trottoirs, on s’est battu pendant des années. Et c’est nous qui payons pour ça! », déplore-t-il.

Innover

La réduction des GES en matière de mobilité passe aussi par l’électrification des transports. Saint-Jérôme aspire à devenir la capitale de cette électrification. Ses partenariats avec l’Institut du véhicule innovant, le Cégep de Saint-Jérôme, notamment pour les matériaux composites, et la multinationale Lion Électrique lui permettent de se positionner comme chef de file dans le domaine.

La vision est claire : « On veut amener Saint-Jérôme à s’électrifier beaucoup plus rapidement que le reste de la province », affirme Martin Pigeon, conseiller municipal et président de la commission de l’électrification des transports. Ce dernier rêve aussi que Saint-Jérôme soit une « ville laboratoire » pour favoriser l’innovation et pour devenir un modèle pour l’ensemble du Québec.

Les cibles environnementales sont ambitieuses et, selon le conseiller, l’électrification doit s’accélérer pour les atteindre. Il s’agit aussi d’un grand pouvoir économique : « Si les 65 000 véhicules de Saint-Jérôme sont électriques, ou si l’ensemble du Québec le devient, on ne serait plus dépendant des grandes pétrolières. On ramènerait de l’argent dans les coffres d’État », explique Monsieur Pigeon.

Protéger les ressources naturelles

En dehors de la mobilité, une autre grande priorité des Laurentides est celle de la protection des milieux naturels et, plus spécifiquement, des lacs.

Un camion électrique de la compagnie Lion Électrique.

Un camion électrique de la compagnie Lion Électrique. (Photo: CRE des Laurentides)

Selon le CRE des Laurentides, entre 40 et 50 lacs dans la région sont affectés par le myriophylle à épis, une plante envahissante. Ses effets sont extrêmement néfastes sur la santé des points d’eau. « Un lac fortement atteint par le myriophylle va se remplir de plantes. La plante monte jusqu’à la surface et l’herbier devient immense, tellement qu’on ne peut plus avancer en kayak ou en canot. On perd donc l’usage récréatif du lac. La biodiversité sera aussi affectée et la chaîne de vie s’effondre », explique Jean-Louis Courteau, plongeur et directeur du Centre d’interprétation des eaux laurentiennes (CIEL). 

Pour Anne Léger, l’enjeu principal entourant les lacs concerne tout le problème de l’eutrophisation, c’est-à-dire le fait qu’un lac soit trop nourri ou trop enrichi par des nutriments. C’est causé notamment par l’activité humaine, les engrais, l’agriculture, les coupes forestières ou encore l’absence de bandes riveraines permettant de retenir l’érosion, explique la directrice générale du CRE des Laurentides. L’accumulation de nutriments dans les lacs participe à la croissance des plantes envahissantes, dont le myriophylle à épis. Ça nuit aussi à l’oxygénation, ce qui affecte la biodiversité et les espèces.

La crise environnementale exacerbe toutes ces problématiques, indique Jean-Louis Courteau. Ce dernier effectue plus de cent plongées par année, depuis environ une décennie. Il témoigne que les changements climatiques « affectent tout ». Les périodes de chaleur s’étendent sur une plus longue période, ce qui favorise par exemple la croissance des plantes envahissantes. Les lacs sont libres de glace plus longtemps dans l’année, ajoute Anne Léger. Cette réalité influence la physicochimie des points d’eau et affecte sa biodiversité. La truite, notamment, a besoin d’eau froide et très oxygénée pour vivre, tout le contraire de ce que les changements climatiques engendrent.

Manques de ressources

La Ville de Sainte-Adèle possède des accès publics pour trois lacs : le lac Rond, le lac Deauville et le lac Pilon. Des stations de nettoyage à sec y ont été installées afin de nettoyer les embarcations avant et après leur utilisation. L’objectif est d’éviter que des substances quelconque se retrouvent dans l’eau et favorise la croissance de plantes envahissantes, notamment. Or, la Ville ne dispose pas des ressources humaines ou financières nécessaires pour assurer une surveillance sur les sites, explique la mairesse, Michèle Lalonde. D’ailleurs, il y a environ 300 associations de riverains dans les Laurentides, composées entièrement de bénévoles.

À ce sujet, Anne Léger considère que l’appui des gouvernements n’est pas suffisant. « Compte tenu de la richesse que représente les lacs dans notre région, en termes de retombées économiques, de qualité de vie ou de santé, c’est certain que les ressources ne sont pas suffisantes. »

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