(Photo : Marie-Hélène Gilbert Lambert)
Céline Lamy

Éducation : Éviter la « monoculture » des enfants

Par Joëlle Currat

Dans son livre Pour une biodiversité de l’enfance, la pédopsychiatre Céline Lamy établit un parallèle entre l’agriculture intensive et le système éducatif actuel des enfants.

Après le succès de Le drame des enfants parfaits, Céline Lamy avait envie de poursuivre sur ce thème en proposant dans son nouveau livre des pistes concrètes pour « réparer l’enfance ». Elle compare l’éducation des enfants d’aujourd’hui à l’agriculture intensive qui nivelle les différences et appauvrit les sols.

À ce modèle rigide, elle propose une vision plus humaine. Comment permettre à l’enfant de grandir sans l’étouffer ? Comment préserver cette jeune pousse pour qu’elle devienne un arbre solide dans une forêt riche et plurielle ? Voilà les grandes questions auxquelles celle qui est également professeure adjointe de psychiatrie à l’Université de Montréal tente de répondre, en puisant dans ses expériences de thérapeute et ses connaissances en permaculture.

De la mauvaise herbe

Dans sa pratique en pédopsychiatrie, Céline Lamy constate que depuis une vingtaine d’années, les enfants qu’elle reçoit dans son bureau sont de plus en plus jeunes. « Quand j’ai commencé à exercer ma profession, ma clientèle était composée d’adolescents et de jeunes adultes. Aujourd’hui, je rencontre des enfants de deux, trois ou quatre ans qui, selon leurs parents, n’entrent dans aucun moule. Ceux-ci me demandent de faire en sorte que leur progéniture s’adapte au système. Un peu comme si c’était de la mauvaise herbe, explique-t-elle. Voilà pourquoi j’utilise la métaphore de l’agriculture intensive. On privilégie la monoculture d’enfants et leur uniformisation, sans considérer leur singularité et leur potentiel, ni les influences de l’environnement. En plus, le cerveau d’un enfant en 2025 est surstimulé par rapport à celui des générations précédentes. Face à ces constats, je me suis demandée quelles seraient les pistes de solutions qui pourraient remédier à cette vision erronée de l’enfance. »

Des lanceurs d’alerte

Selon Céline Lamy, l’enfant est un lanceur d’alerte naturel. Par ses symptômes, il nous informe que quelque chose ne tourne pas rond dans notre monde. Il nous rappelle aussi que l’enfance, c’est l’élan et le mouvement, la rébellion et l’excès, la liberté et la curiosité.

Elle-même mère de quatre enfants, elle se souvient de ses jeunes années passées auprès de grands-parents pratiquant la permaculture. Ainsi, plutôt que de cultiver un champ avec un seul légume, on réfléchit par exemple à la façon dont différentes espèces peuvent cohabiter et apporter des bénéfices à l’ensemble. Sur ce modèle, Céline Lamy préconise de pratiquer une « permaculture de l’enfance ».

« En premier lieu, il s’agit de changer notre regard sur l’enfant, le voir justement comme un lanceur d’alerte et non pas du point de vue de l’adulte dominant qui sait tout. Cela ne signifie pas de supprimer la discipline et l’autorité, mais de les exercer en tant que guides, explique la spécialiste. Un autre outil pour améliorer notre lien avec l’enfant, c’est l’observation. L’observer dans tous les milieux dans lesquels il vit afin de voir tout ce dont il est capable, pas seulement sur le plan académique. »

Céline Lamy suggère aussi de mélanger des élèves aux profils différents dans une même classe afin de faire émerger ce qui s’appelle « l’effet bordure » en permaculture, c’est-à-dire d’atteindre le plus haut niveau de force et de fertilité dans la rencontre de deux biotopes.

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