(Crédit photos : Renaud Furlotte)
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Des élèves baristas pour mieux s’intégrer

Par Marie-Catherine Goudreau

La première période dans les classes de Pascale Coulombe et Jessica Belisle est loin d’être ordinaire. Leurs élèves préparent et servent des cafés au personnel de l’école secondaire Cap-Jeunesse chaque début de semaine. Cette initiative vise à aider ces jeunes présentant une déficience intellectuelle ou ayant un trouble du spectre de l’autisme à intégrer le marché du travail. 

(Crédit photos : Renaud Furlotte)

L’idée a germé dans la tête de Pascale Coulombe, enseignante en adaptation scolaire, alors qu’elle se faisait souvent des cafés lattés dans sa classe. « Les élèves voulaient m’aider ! J’ai donc monté un plateau de travail. Je n’aurais jamais pensé qu’ils auraient un intérêt pour ça ! », explique Pascale en entrevue avec le Journal.

Avec l’aide de Jessica Belisle et Stéphanie Duval, technicienne en éducation spécialisée, Pascale a vu plus grand. Elles ont monté un site web où il est possible de passer des commandes en ligne. « C’est comme une petite entreprise », dit Pascale. Depuis maintenant un an, CapCafé propage le bonheur en tasse dans la classe et dans l’école Cap-Jeunesse tous les lundis et mardis matin. 

À chacun sa tâche

Les professeurs peuvent donc passer leurs commandes en ligne, qui sont envoyées à la classe. Les élèves de Cap-Jeunesse sont ensuite affectés à une station reliée à une tâche, pour en arriver à un produit final. Par exemple, un élève s’occupera de mettre le sucre, mousser le lait ou faire l’espresso. 

(Crédit photos : Renaud Furlotte)

Un autre élève aura par la suite la charge de distribuer les commandes dans les classes. Chaque tasse est identifiée par son numéro de commande pour assurer un suivi plus facile.  

« La première période est de 75 minutes, alors il faut que ça opère et que ça soit efficace ! On a jusqu’à 30 commandes qui peuvent être passées dans cette période », souligne Pascale. Le café a maintenant plus d’une cinquantaine de clients. 

« On a une rigueur de travail, une bonne hygiène et propreté. Et ce sont souvent les clients qui nous approchent », ajoute-t-elle fièrement. L’enseignante a même reçu une formation de gestionnaire du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) et une certification pour opérer le café. 

Préparer pour le marché du travail

L’objectif de CapCafé est de faciliter l’intégration dans le marché du travail des personnes présentant une déficience intellectuelle ou ayant un trouble du spectre de l’autisme. Quand l’école Cap-Jeunesse se termine, ces jeunes font face à beaucoup de défis au niveau professionnel. Le café leur permet de développer des compétences, comme l’assiduité ou la propreté. 

« Quand ils sont dans un contexte de travail, c’est beaucoup plus concret pour eux d’atteindre leurs objectifs personnels. On voit les efforts et ils travaillent fort pour les atteindre », rapporte l’enseignante.

(Crédit photos : Renaud Furlotte)

Le travail en équipe, la technologie, l’écriture, la motricité : le café permet aux élèves de travailler plusieurs compétences utiles professionnellement. « Ils sont fiers de ce projet. Ça développe une connaissance de soi et ils prennent confiance », souligne Pascale. 

Plutôt que de leur faire travailler leurs limites, les professeures misent sur les forces des élèves avec le café. « Si un élève est tanné et veut changer de station, on lui dit d’aller demander à un élève pour échanger. Oui, il y a une certaine routine, mais ce n’est pas monotone. Ils peuvent se dépasser. Puis, on peut adapter les tâches, soit en réduisant les exigences ou en les augmentant », explique Pascale. 

Encore aujourd’hui, les jeunes présentant une déficience intellectuelle ou ayant un trouble du spectre de l’autisme ne sont pas assez intégrés dans la société, croit Pascale Coulombe. 

« Il faut une concertation de tous les milieux, que tous se rassemblent pour voir quel est le meilleur avenir pour ces personnes. […] On doit faire un pas encore plus grand entre l’école et la société », souligne-t-elle. « À l’école, on essaie d’offrir le maximum de choix pour qu’ils aient
plus d’autodétermination. » 

Des projets pour le futur

Pascale aimerait éventuellement que le CapCafé devienne une coopérative qui engagerait ces jeunes. « Si on avait une coop, ce serait comme s’ils travaillaient, mais ils seraient encore dans un milieu protégé. Ça laisse un terrain fertile pour favoriser l’inclusion », explique-t-elle. 

Par ailleurs, la FADOQ – Région des Laurentides a approché le CapCafé pour collaborer. L’année prochaine, le café souhaite aller encore plus loin dans sa mission. On souhaite inclure dans le projet des personnes âgées vivant avec une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme, afin que ces dernières puissent reproduire dans leurs milieux de vie ce plateau de travail.

« Il y a plein de possibilités. On voit cela comme une transmission des savoirs. Autant l’un peut apporter quelque chose qu’apprendre de l’autre. »

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