Une démocratie qui s’effrite

Par Frédérique David

Ce mot qui représente un rempart contre une domination autoritaire, qui illustre cette liberté d’expression essentielle au vivre-ensemble dans une société juste et équitable, serait-il en voie de disparition ? Notre démocratie serait-elle menacée ? Les constats sont de plus en plus inquiétants et révèlent un effritement de ce socle protecteur, de ce pilier fondateur de notre société contemporaine, preuve que rien, jamais, n’est complètement acquis.

Un recul significatif

En septembre dernier, IDEA, cet institut mondial intergouvernemental basé à Stockholm rapportait que la démocratie décline dans le monde pour la 9e année consécutive et que les reculs significatifs de 2024 marquent le plus grand déclin démocratique depuis 1975. Les signaux d’alertes sont multiples, à commencer par la plus grande détérioration de la liberté des médias survenue en 2024 et un recul inquiétant de l’indépendance judiciaire et de la crédibilité des élections au cours des cinq dernières années.

Plus près de nous, le rapport 2024 produit par Horizons de politiques Canada, et intitulé « perturbations à l’horizon » – ce qui n’annonce rien de réjouissant ! – mettait en évidence dix perturbations ayant un impact et une probabilité élevés. Parmi elles, le potentiel effondrement des systèmes démocratiques.

On va se le dire, certaines mesures prises par le gouvernement caquiste au Québec, au cours des deux dernières années, dont la fameuse « loi 2 » concernant les médecins, mais surtout le projet de loi 1, s’inscrivent dans ce mouvement inquiétant d’effritement des principes démocratiques.

Des fondements ébranlés

Le projet de loi 1, ou Loi constitutionnelle du Québec présentée par le gouvernement Legault a cela d’inquiétant qu’il limite la capacité d’utiliser la Charte québécoise des droits et libertés de la personne adoptée en 1975 à l’unanimité. Cette Charte est un pilier essentiel à notre démocratie en cela qu’elle vient empêcher un gouvernement de restreindre des droits et des libertés pour des raisons idéologiques. On s’entend que ce qui s’est passé pendant de (trop) longues années pendant la pandémie ne répondait pas à des valeurs idéologiques mais plutôt humanitaires, même s’il y a eu quelques débordements. On ne peut en dire autant de la Loi sur la laïcité de l’État du Québec, mieux connue sous le nom de « loi 21 », qui se trouve aujourd’hui entre les mains de la Cour suprême.

La loi 2 concernant les médecins présente aussi plusieurs dispositions problématiques qui vont à l’encontre des droits fondamentaux protégés par les chartes québécoise et canadienne. Malheureusement, les contestations prendront des années à être entendues, années durant lesquelles le mal aura cheminé. On peut s’attendre à une migration de médecins vers d’autres provinces et à des départs à la retraite précipités qui fragiliseront notre système public de santé (déjà bien mal en point) et donneront plus de pouvoir au système privé.

Vers un autoritarisme inquiétant

Difficile de comprendre ce qui incite un gouvernement devenu impopulaire à affaiblir de la sorte les principaux contre-pouvoirs du système législatif de la province, alors qu’il ne sera certainement plus au pouvoir pour assumer les conséquences qui s’annoncent catastrophiques, à commencer par une polarisation de l’opinion publique et une montée de l’intolérance et des inégalités. Qu’arrivera-t-il lorsque les groupes minoritaires et marginalisés ne pourront plus évoquer la Charte des droits et libertés pour se défendre contre les abus des gouvernements ? N’a-t-on rien retenu de l’histoire ?

Notre démocratie est d’autant plus menacée que de nombreux gouvernements dans le monde n’ont plus peur d’agir avec autorité et de faire des déclarations menaçant les droits individuels, l’équité ou l’égalité. Plus inquiétant encore, on normalise l’idée que l’élu est le chef qui décide et que si on n’est pas content, « on n’a qu’à élire un autre gouvernement ! ». Comme si gouverner dans un pays démocratique ne signifiait pas de prendre des décisions en tenant compte de la volonté des citoyens.

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