Jamais contents

Par Mimi Legault

J’ai écrit cette chronique pour les insatisfaits, pour le pessimiste pur jus qui entre deux maux choisit toujours les deux, pour le masochiste qui est le seul à rêver d’être réincarné en moineau de badminton. J’ai pondu cet article pour ceux qui ne s’attachent qu’aux mauvais côtés des choses et qui n’écriront jamais sur une pancarte : attention, chien gentil; ou quand la chance frappe à leur porte, qui se plaignent que ça fait trop de bruit. L’autre jour, deux gars parlaient ensemble. L’un d’eux dit : c’est plate, je regarde toujours le verre à moitié vide, chus faite de même. Son ami lui répond : pis, t’as quand même de l’eau dans ton verre, ferme ta gueule et bois-le !

Il était une fois des fruits qui avaient vu le jour dans le paradis terrestre. Z’étaient beaux à croquer ! Et cela leur suffisait. Ils se côtoyaient sans aucun problème en se racontant des histoires juteuses : des vertes et des pas mûres. Le bonheur total ! Mais un jour, la banane se dressa en déclarant que c’était assez ! Assez de pollution, qu’elle affirma. Mais il n’y avait pas de pollution sinon que dans sa tête. Le pire, c’est que les autres fruits, sans trop comprendre, acquiescèrent de la tête. Ils ne comprenaient pas trop trop son discours, mais trouvèrent qu’elle parlait bien. C’est pas toujours « dôle » une banane surtout quand ça se met à réfléchir pour dire n’importe quoi. On s’est fait passer un citron, c’est sûr, cria-t-elle. On mérite beaucoup mieux. Nous devrions avoir de meilleures conditions ! Mais, risqua la petite cerise, que désirer de plus : le soleil brille chaque jour, on nous arrose régulièrement; et puis, nous sommes si beaux à voir. Non, non et non, fiez-vous sur moi, dit la banane. Tout en l’écoutant, la noix se grattait le coco tandis que la « prune » et la blonde, mi-figue mi-raisin, essayaient de comprendre quelque chose.

La banane décida alors d’aller chercher du renfort dans le jardin d’à côté où maître concombre se faisait dorer le kiwi. Bonjour « ail », fit-il en signe de salut. La banane s’avança sur un terrain glissant. Maître concombre avait quelques graines de folie en lui, il se montra ouvert au changement. La pomme de terre se montra réticente : mais que diable veux-tu changer ? demanda-t-elle tout en se cachant du soleil, elle commençait à peler. Ici, tout l’monde « sème »… La banane se retourna en murmurant « oignon », pas elle. Elle lui répliqua : toi, la sautée, tu as toujours été dans les patates. Et comme la banane avait chaud, elle enleva une pelure et repartit en croisade. À un moment, tous les légumes étaient venus l’écouter assis en rangs d’oignons, un silence se fit. Certains se mirent à lui crier chou en lui disant qu’ils n’aimaient pas sa fraise. Elle se mit à douter en pensant : c’est sûr qu’ils « maïs », pensa-t-elle. « Atocas… »

Vu qu’il était déjà « fève o’clock » et qu’ils « navet » plus de temps, fruits et légumes décidèrent de faire confiance à ce beau parleur venu, selon ce dernier, défendre leurs droits. La majorité vota en sa faveur. La banane vit que le tout prenait de l’ampleur. Fière de sa victoire, elle alla sur-le-champ rencontrer Grosse-Légume que l’on surnommait le Puissant. Ah, comme ça personne n’est plus heureux de sa condition. Tu peux compter sur moi, dès demain les choses vont changer, promit le chef.

À partir de ce jour, on transforma les fruits en confitures, en compotes, en coulis. Les légumes furent réduits en purées, en marinades de toutes sortes trempées dans le vinaigre. D’autres terminèrent leur périple en ratatouille et en beau maudit. Certains furent arrachés de leur terre et d’autres carrément déracinés. Ils n’avaient plus la fière allure qu’on leur connaissait, mais c’est vrai que Grosse-Légume avait tenu parole. Quant à la banane, elle s’exila pour de bon en riant jaune. Paraîtrait qu’elle vit maintenant dans des pays chauds. Ainsi naquit, hors du paradis terrestre, le premier syndicat, fruit de mon imagination.

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