Prix Gaston-Miron : Les Laurentiennes à l’honneur
Par Rédaction
Les lauréats de la treizième édition des Prix d’excellence en français Gaston-Miron sont maintenant connus.
Par Joëlle Currat
Les lauréats du concours ont été récompensés lors d’une matinée de la poésie, le dimanche 23 mars dernier. La gagnante dans la catégorie jeunesse, Sarah Jade Labelle, est de Saint-Jérôme et celle dans la catégorie adulte, Ariane Gagnon, habite Sainte-Adèle. Nous vous invitons à lire les textes très inspirés des gagnantes (voir encadré).
Celui de Sarah Jade Labelle intitulé Le passager clandestin dénote une surprenante maturité et une grande profondeur, considérant qu’elle a remporté le premier prix de la catégorie jeunesse. Quant à celui d’Ariane Gagnon, Ma Laurentie parle de l’appartenance au territoire entre déracinement et enracinement, et rend un vibrant hommage à notre région.
Le 2e prix dans la catégorie jeunesse a été attribué à Samuel Ménard (Saint-Jérôme), tandis qu’Océane Lapierre (Boisbriand) a remporté le 3e prix.
Dans la catégorie adulte, le 2e prix revient à Jean Chalifoux (Prévost) et le 3e à Thierry Parent (Saint-Jérôme).
Pour lire leurs textes, rendez-vous sur le site web de la Société nationale des Québécoises et Québécois, région des Laurentides. Félicitations à tous les gagnants !
Rappel
Un peu plus tôt ce mois-ci, nous avions publié la liste des nommés dans les catégories adulte et jeunesse de ce concours littéraire. Cette compétition organisée annuellement depuis 2012 par la Société nationale des Québécoises et Québécois, région des Laurentides et le Mouvement Québec français des Laurentides a pour objectif de mettre en évidence le talent des auteur.es qui résident ou étudient sur le territoire des Laurentides. L’appel de candidatures s’est déroulé du 11 novembre 2024 au 15 janvier 2025. Deux jurys composés chacun de trois personnes sélectionnées pour leurs compétences en littérature ont analysé les quatre-vingt-deux textes reçus.
Le passager clandestin, de Sarah Jade Labelle
J’ai dix ans, et déjà tu te glisses dans les ombres de mon enfance.
Mes parents te sentent, dans mes silences, mes absences.
Quand les autres courent, tu me dis de rester immobile.
« Méfie-toi, tu es si fragile. »
J’ai vingt ans, tu es plus lourde, plus grande, plus forte que moi.
Les autres dansent, crient, embrassent la joie,
Mais moi, je me perds dans mes battements de cœur,
Trop vite, trop fort, une machine à vapeur.
« Reste là, ce monde est trop grand, tu tomberais si tu faisais un pas en avant. »
Alors je regarde les trains partir,
et laisse mes envies mourir.
J’ai trente ans, et ma vie est en pause.
Les jours s’effacent, les questions explosent.
Tu murmures : « Plus tard, attends à demain. »
Puis demain devient hier, et l’espoir s’éteint.
Quarante ans, les années glissent entre mes doigts,
Le temps court, mais jamais comme toi.
Un mariage que je n’ai pas osé,
des voyages que je n’ai pas tentés…
Puis me voilà à cinquante ans, ma jeunesse est partie,
Tu tiens dans tes mains toute ma vie.
Une vie que je n’ai pas vécue,
Des souvenirs que je n’ai jamais eus.
Soixante ans, et je suis fatiguée.
Fatiguée d’attendre et de te porter.
Tu n’as pas vieilli, toi, bien sûr que non,
Et toujours, tu verses les gouttes de ton poison.
Quatre-vingt ans, et tu es toujours là, oppressant,
Mais je ne t’écoute plus, je m’éteins lentement.
Je ferme les yeux, je desserre mes mains,
et pour la première fois, tu me lâches enfin.
Alors que le silence m’enveloppe et m’emporte,
Je te vois t’évanouir derrière ma porte.
Mais il est trop tard, tout est fini,
Car ma vie, c’est toi qui l’as remplie.
Ma Laurentie, d’Ariane Gagnon
Je m’éveille chaque matin
À la beauté de mes lieux habités
Lieux qui me sont encore étrangers
Dû à leur nature d’illusionniste;
constante métamorphose et hypnotisme.
Difficile de s’enraciner
Au milieu de la tourbe mouvante,
Où tout revêt les ombrages de l’étrangeté inquiétante,
Mais je préfère encore caler dans la fange putréfiée
Des pays d’en haut,
que de pourrir en ville parmi les miens.
Ici les arbres me renvoient
la souplesse de mon échine
Et la force de ma résilience tranquille.
Terreau fertile de guérison
Je reçois aux yeux leur mystique poudre d’or;
Cicatriser ici me sera plus facile.
Je vernis mes ongles de pied
avec une substance visqueuse et toxique,
qui rappelle pourtant le vert riche et chatoyant
de la mousse et du lichen;
laurentienne de la tête aux orteils.
Je parfume ma nuque, la peau fine et veinées de mes poignets,
le creux tendre de mes seins,
la cavité sacrée de mon nombril,
à l’huile essentielle d’épinette noire;
camouflage odorifère.
Ma nature d’apparat,
Je la revêts comme un déguisement,
En attendant de me fondre dans le décor,
En attendant de converser librement avec les micelles;
Vouloir devenir le paysage.