Lévesque / Trudeau : une brillante biographie croisée
Par Joëlle Currat
Dans son nouveau livre, l’écrivain et ancien chef du Parti québécois Jean-François Lisée brosse le portrait détaillé des deux frères ennemis de la politique québécoise.
M. Lisée était de passage à Val-David pour présenter son nouveau livre Lévesque / Trudeau, Leur jeunesse, notre histoire, le premier tome d’une trilogie qui se concentre essentiellement sur le Québec des années 30. Dans une brique de plus de 600 pages, l’auteur raconte l’enfance, l’adolescence et les débuts de l’âge adulte de ces deux personnages qui marqueront l’histoire du Québec et du Canada au XXe siècle.
Le récit prend la forme d’une saga palpitante comprenant moult détails historiques mais aussi des anecdotes et des informations inédites. On y découvre les parcours parfois similaires mais surtout très divergents de ces hommes d’État. Et des points communs, comme la mort de leur père qui les a marqués profondément au début de leur vie.
Un nouvel élan
L’effervescence est palpable dans ce nouveau restaurant de Val-David où se déroule le lancement du plus récent livre de Jean-François Lisée. Dans le public – plus d’une centaine de personnes – venu assister à la causerie entre Suzanne Proulx, présidente du Bloc québécois, et cette figure médiatique et politique bien connue, beaucoup de têtes blanches, mais aussi de jeunes membres et partisans.
Guillaume Freire est le président du Conseil exécutif du Parti québécois de la circonscription de Bertrand depuis 2023. C’est à ce trentenaire, membre actif du parti depuis 2011, et à son équipe que l’on doit l’organisation de cet événement dans les Laurentides, le lancement officiel du livre ayant eu lieu au mois d’avril à Montréal. La présentation sur scène, sous forme de dialogue, débute par les sources d’inspiration de l’auteur qui confie que ce projet était déjà planifié de longue date. C’est lors du passage à vide qu’il a connu à la fin 2018, après sa défaite dans Rosemont aux élections générales, qu’il décide de s’attaquer aux travaux de recherche et à la rédaction de ce livre.
Des sujets inépuisables
Alors qu’on a l’impression que tout a été dit sur Lévesque et Trudeau, Jean-François Lisée dira au Devoir, journal pour lequel il est chroniqueur : « Je sous-estimais la richesse du matériau », lui qui ne s’attendait pas à publier un ouvrage de plus de 600 pages.
Interrogé un peu après la fin de la rencontre de Val-David, on lui demande quels sont les points communs et les divergences principales entre ces deux individus : « Ce sont d’abord deux enfants du début du XXe siècle, nés un peu après la Première Guerre mondiale. Ce furent aussi des étudiants remarquables, des lecteurs voraces à la curiosité intellectuelle insatiable, probablement deux des têtes les mieux faites du Québec à cette époque. L’un, Trudeau, était catholique, très croyant et favorable à la séparation entre l’Église et l’État, une prise de position détonante dans le Québec clérical des années 40 et 50. Quant à Lévesque, il a évolué en dehors de la religion, même si, comme Trudeau, il a été élevé chez les Jésuites. »
Par la suite, pendant la Seconde Guerre mondiale, Lévesque est devenu gaulliste, suivant la pensée politique de Charles de Gaulle, alors que Trudeau était pétainiste, un courant plus conservateur de la droite nationaliste. « Dans un contexte semblable au départ, leur cheminement intellectuel a pris une direction différente. » Ils se croisent ensuite dans les années 50 avec des visions assez similaires, proches du socialisme. Puisqu’ils étaient à peu près d’accord sur l’essentiel, ils sont alors attirés l’un par l’autre. « Mais, aucun des deux ne pensait à l’indépendance du Québec à ce moment-là ». Cette connivence se prolongera jusqu’au début des années 60, où le combat sur l’avenir du Québec s’est engagé entre les deux hommes.
Leurs « meilleurs coups »
La création du Parti québécois par René Lévesque fut sans doute sa plus grande réalisation, selon Jean-François Lisée. « Sans lui, ce projet n’aurait jamais pu être couronné de succès, dit-il. Quant à Trudeau, un iconoclaste au départ, le fait d’être devenu chef du Parti libéral en trois ans représente une ascension spectaculaire. »
Et si l’on devait décrire leurs principales qualités et défauts ? « Trudeau n’a jamais caché son arrogance, contrairement à René Lévesque qui s’est forgé une image de modestie, même s’il y a débat pour savoir si ce trait de caractère était authentique. Les deux hommes avaient une grande capacité de travail et un esprit d’innovation. Fidèles à leurs convictions, ils pensaient tous deux qu’on pouvait changer le réel. »