(Photo : Courtoisie)
Jean-Simon Leduc

Jean-Simon Leduc et la vérité du bois

Par Louis-Philippe Forest-Gaudet

Dans les Laurentides, il arrive que l’automne porte déjà l’ombre de l’hiver. La lumière baisse d’un cran, l’air se tend, les nuits s’étirent. C’est dans cette saison de bascule, alors que le froid s’annonce sans encore s’imposer que Jean-Simon Leduc ait choisi de s’enfoncer seul dans la forêt durant sept jours et six nuits. Une semaine entière à écouter un territoire qui change de peau à apprivoiser une solitude pleine, presque vibrante.

L’acteur parle de cette expérience comme d’un retour à l’essentiel. Il cherchait la vérité derrière les livres, derrière les vidéos qu’il étudie depuis des années. Non pas l’idée de la survie, mais sa réalité concrète. Non pas un décor sauvage, mais un lieu où chaque geste compte.

« J’aime vraiment, vraiment ça être dans le bois. Plus je suis dans le bois, mieux je me porte. C’était un programme intensif de sept jours. C’était parfait pour moi de dormir et de me réveiller 100 % du temps dans la nature. »

Chercher le feu, comprendre la nuit

La solitude s’est installée dès les premières heures, épaisse comme une couverture. À mesure que les journées s’effilochaient, le froid nocturne gagnait en précision. Pas encore la morsure de janvier, mais une annonce. Cette séparation du monde capitaliste devenait une entité. « Je me parlais beaucoup. Je chantais. [Cette solitude] était comme une présence. » Cette présence, dit-il, est devenue le souffle même de ses vidéos @chaga_de_bois, où la sincérité l’emporte sur la performance.

Son abri, assemblé avec des branches mortes et de la mousse, répondait à la nécessité première : dormir au-dessus du sol, anticiper l’humidité, imaginer l’effet d’un gel à venir. Un exercice d’humilité, où chaque erreur se paie en inconfort.

Le feu, lui, a dicté le rythme de ses journées. « Le feu c’est tout. L’eau, la chaleur, la sécurité. » Protéger une flamme contre l’humidité d’octobre, c’est une prémisse pour les froids hivernaux. Comprendre la différence entre un bois mort debout et une branche tombée au sol, c’est apprendre la rigueur du Nord.

L’épreuve de la nourriture

Aucune prise. Ni lièvre, ni perdrix, ni poisson. Seulement quelques grenouilles, des racines et de longues marches. « Quand tu manques de sucre ou de sel, tu le sens dans toutes tes pensées. » Ses repas, souvent maigres, appartenaient pourtant à ce moment rare où l’on goute véritablement ce que la forêt offre. C’est dans cette privation qu’il a trouvé une attention nouvelle au territoire, une lucidité qu’aucune cuisine confortable ne peut reproduire.

Le « bushcraft » comme art du vrai

Pour Jean-Simon, cette semaine en forêt relevait du « bushcraft », mais pas la version spectaculaire qu’on associe parfois au mot. Le « bushcraft » dans son sens originel, rassemble les techniques de vie en forêt : construire, orienter, écouter, simplifier. Une forme d’artisanat du territoire où l’on apprend à se laisser guider par les éléments plutôt qu’à leur résister. « Pour moi, le bushcraft c’est vivre avec ce qu’il y a. Comprendre le bois, pas le combattre. » Sa définition est incarnée, presque douce. Nulle volonté de prouesse, seulement le désir de cohabiter avec un milieu qui ne ment jamais. Le « bushcraft » devient alors miroir : une discipline qui l’oblige à dépouiller son jeu d’acteur de tout artifice. « Je me sentais meilleur quand je suis revenu. Plus libre. Moins inquiet de la manière dont je parlais », remarque-t-il.

Rentrer avec l’hiver en tête

Lorsque Jean-Simon a quitté la forêt, l’hiver approchait réellement. La neige n’était pas encore tombée, mais il en percevait le souffle dans la rigidité des matins, dans la façon dont le vent remontait les vallées. Cette semaine de survie volontaire lui a laissé plus qu’un souvenir, mais une manière de regarder le Nord avec une attention renouvelée, comme si la forêt avait resserré en lui ce qui compte.

« La nature, c’est vrai. Si tu ne fais pas ton feu, tu vas avoir froid. Si tu ne manges pas, tu manques d’énergie. Rien n’est conceptuel. »

Une vérité simple portée avec une humilité qui donne tout son poids à ce qu’il cherche, encore et toujours dans le bois.

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