Julie Charette : créer l’émerveillement avec des soirées dansantes
À Saint-Jérôme, Julie Charette, surnommée la « créatrice d’émerveillement », organise depuis 2016 des soirées dansantes pour des personnes vivant avec une déficience intellectuelle. Ces rendez-vous, devenus essentiels pour la communauté, offrent à la fois un lieu de socialisation et des expériences uniques.
« C’est leur discothèque, leur club, leur moment de socialisation », explique-t-elle. Ces événements offrent bien plus qu’un plancher de danse, puisqu’ils représentent un espace important de socialisation. « Si on est trois mois sans danse, c’est trois mois sans se voir », ajoute-t-elle. Amis, couples, fiancés : des relations se tissent et se consolident au rythme de la musique.
Des expériences inoubliables
Pour Mme Charette, la danse n’est qu’un point de départ. Chaque soirée a sa couleur, son thème, et propose des expériences que les participants n’auraient peut-être jamais l’occasion de vivre ailleurs. Cirque, soirée Casino Royale, Star Wars ou encore hockey adapté… et plus encore ! « J’essaie de leur faire vivre des choses qu’ils n’ont pas dans leur quotidien. Certains n’avaient jamais vu de cirque, alors on en a fait venir un », raconte-t-elle. Et chaque fois, la magie opère. Les participants s’investissent avec énergie, qu’il s’agisse d’imiter Elvis en perruque ou de jouer au hockey depuis une chaise roulante.
Au fil des années, ces soirées sont devenues un lieu de rencontres improbables, où se croisent parents, bénévoles, personnes itinérantes, présidents d’entreprise et étudiants. « C’est aussi d’avoir une soirée qui mélange, d’unir tous les styles, tous les groupes sociaux. On dirait que c’est une soirée où il n’y a pas de barrières », souligne-t-elle.
Elle-même, qui n’avait jamais travaillé avec cette clientèle avant de se lancer, a dû apprivoiser ses propres malaises. « Souvent, les gens, au début, sont mal à l’aise. Mais [la clientèle] est habituée. Ils vivent avec ça. Ils sont habitués que quelqu’un ne les comprenne pas. »
Une soirée remplie d’amour
Le 22 août dernier, Mme Charette organisait une discothèque différente des autres, sous forme de levée de fonds, pour souligner les 10 ans de ses danses. Sur place, des dizaines et des dizaines de personnes étaient présentes, un grand sourire au visage, prêtes à revoir leurs amis, à manger tous ensemble et à danser. Il y avait une grande scène où celle-ci pouvait réaliser son animation, et même inviter des gens à chanter, dont l’artiste Tara Beauchamp.
Au cours de la soirée, elle en a profité pour souligner le travail de ses nombreux bénévoles, qui s’impliquent fréquemment dans les soirées discothèque. Parmi eux, il y a plusieurs personnes participant au programme TAPAJ, chez Cap Emploi, qui est l’emploi à temps plein de Mme Charette.
Entre quelques hot-dogs et quelques danses, des participants ont aussi voulu souligner le grand travail de celle-ci, en prenant le micro sur scène pour la remercier pour tout ce qu’elle fait, et partager leur amour pour elle.
Entre épreuves et résilience
Ces soirées représentent tout de même un grand défi pour Mme Charette. « C’est eux qui me motivent. Vu que c’est beaucoup d’ouvrage et beaucoup de stress par bouts, des fois je me dis, pourquoi je fais ça ? Parce que j’ai mis mon argent là-dedans. C’est-à-dire que je n’ai pas de subvention, rien. Il y a la salle. À l’Halloween, tout le monde a des bonbons. À Noël, tout le monde a des cadeaux. La décoration, ça coûte cher aussi. Donc je finance un peu la chose. Mais quand les gens sont là, avec des étoiles dans les yeux, il y a tellement d’amour. Je me dis, OK, je reviens le mois prochain. Je ne peux pas arrêter ça là. Ils sont tellement reconnaissants, et en même temps, je me nourris de ça. »
Donc malgré les défis comme le manque de financement, l’organisation demandante et la fatigue, elle ne cesse d’y revenir. L’un des défis qu’elle raconte, c’est qu’un soir, le DJ prévu ne s’est jamais présenté. « J’étais découragée. Mais les enfants m’ont dit : “Ce n’est pas grave, Julie, on t’aime.” Ils ont tapé des mains, ils ont chanté. Finalement, ça a été l’une des plus belles soirées. » Ce soir-là, raconte-t-elle, ce sont eux qui lui ont redonné l’énergie de continuer. Et celle-ci a même décidé d’acheter son propre équipement de DJ pour s’en occuper lors des événements suivants !
Vers un avenir encore plus grand
Aujourd’hui, l’initiative entre dans sa dixième année. Pour souligner l’occasion, Mme Charette et son comité ont lancé des objets promotionnels, comme des tasses, des bouteilles et des pichets, et invitent la communauté à se joindre à la fête. Le projet attire désormais une centaine de participants et une équipe de bénévoles motivés, même si le recrutement reste parfois difficile.
Elle rêve aussi de nouvelles aventures pour ses danseurs : ski alpin adapté, spectacles plus ambitieux, collaborations avec d’autres organismes. À plus long terme, elle espère transformer son initiative en véritable organisme à but non lucratif pour obtenir des subventions et élargir l’offre d’activités. Et ce qui la pousse à continuer, malgré la lourdeur de l’organisation et son emploi à temps plein, ce sont les mots des participants comme : « Avec toi, c’est jamais plate ».