(Photo : Nordy - Davy Lopez)

Du café et de l’humanité : la mission quotidienne de Claude Dagenais

Par Alexane Taillon-Thiffeault

Plusieurs matins, dans les rues du centre-ville de Saint-Jérôme, les habitués savent qu’ils peuvent compter sur une présence discrète mais constante : celle de Claude Dagenais. Ce dernier distribue gratuitement café et chocolat chaud aux passants, sans distinction.

Ex-officier de l’Armée du Salut et aujourd’hui retraité, M. Dagenais consacre son temps à offrir un geste de chaleur humaine, dans un monde qu’il juge de plus en plus dur pour les personnes plus vulnérables. Né à Ville Saint-Laurent, il quitte le foyer familial à l’âge de 17 ans. Il passe ensuite plusieurs années à voyager à travers le Canada, vivant dans la rue, dormant dans des parcs ou des abris de fortune. « J’ai toujours été révolté contre la société, mais je ne savais pas quoi faire », raconte-t-il aujourd’hui.

Son retour à une vie plus stable survient au début de la vingtaine. Il enchaîne les emplois manuels avec une grande facilité, même sans diplôme. Mais cette période reste marquée par un malaise de fond, une quête de sens non résolue. C’est à 35 ans que sa vie prend un tournant, alors qu’il dit avoir connu le Seigneur pendant son quart de travail dans une usine. Cet événement déclenche chez lui un profond besoin de servir les autres. Peu après, c’est là qu’il découvre l’Armée du Salut, où il réalise une formation de deux ans à Winnipeg pour devenir officier.

Un engagement sur le terrain

De retour au Québec, M. Dagenais est affecté à plusieurs missions de l’Armée du Salut, notamment à Sherbrooke, Québec et Saint-Jérôme. Il s’investit pleinement dans l’aide aux personnes en situation d’itinérance ou vivant en grande précarité. À Saint-Jérôme, il participe à la création du Bunker de l’Espoir, un local d’accueil de jour offrant des services de base dans un ancien garage municipal abandonné.

Aujourd’hui, après deux opérations à cœur ouvert et quelques séquelles physiques, celui-ci a officiellement pris sa retraite de l’Armée du Salut. Mais il a rapidement repris du service à sa façon. Dans les rues de Saint-Jérôme, il se promène avec un petit wagon mobile improvisé, garni de thermos pour offrir café et chocolat chaud gratuitement à quiconque en veut. L’initiative est autofinancée, parfois aidée par des dons spontanés.

Son approche, empreinte de respect et d’écoute, lui vaut rapidement la confiance de la communauté. Il privilégie l’action directe, sans bureaucratie, ni gros moyens. « Tu sais, quand on sait qu’on est à bonne place au bon moment ? Eh bien moi, c’est ça que je vis quand je m’occupe de servir du café et du chocolat chaud. Je me sens à ma place au bon moment. Et c’est tout ce que j’ai besoin d’avoir », affirme-t-il.

« J’ai réalisé qu’aujourd’hui, l’itinérance, ce n’est pas ce que moi, je vivais à l’époque. On parle de tout un autre monde, complètement. Mais ce qui est dommage, c’est que ce sont des gens qui sont vrais. Il suffit d’être vrai avec eux. Et c’est là qu’est ma force, mon super pouvoir. C’est que je suis vrai avec les gens. » Il tient à ce que la population se rappelle que les personnes en situation d’itinérance restent des humains comme n’importe qui d’autre.

Un message pour tous

« Si quelqu’un veut m’aider, je dis : fais-le toi aussi, dans ton quartier, avec ton style. On n’a pas besoin d’une permission pour faire du bien », affirme-t-il. À travers cette démarche, il vise autant à répondre à un besoin matériel qu’à retisser des liens humains. « Quand vous parlez à une personne en situation d’itinérance, sachez que vous êtes peut-être la seule personne qui a voulu avoir une conversation avec cette journée là. […] Dites-vous bien qu’on ne serait pas capable de vivre comme ça, nous autres. Moi, j’ai besoin de me sentir aimé, de me sentir apprécié, de sentir que je participe, que je fais partie de la solution. Ça, c’est dans ma nature, mais il y a toujours un peu de ça dans chaque personne. »

Et contrairement à ce que certains pourraient croire, Claude Dagenais ne s’adresse pas seulement aux personnes en situation d’itinérance. Il sert aussi des travailleurs, des étudiants, des policiers en patrouille. Maintenant installé à Saint-Jérôme, il souhaite reproduire le même modèle dans sa nouvelle ville, malgré des ennuis de santé et une séparation récente. Il admet traverser une période difficile dans sa vie personnelle, mais garde le cap pour continuer d’aider les autres. Il ne cherche pas à être un modèle, ni un porte-parole. Il veut simplement encourager les autres à aider. « C’est simple de s’encourager, de s’aider, de se réconforter les uns les autres. C’est beaucoup plus simple qu’on le pense. »

Et il prévoit le faire aussi longtemps qu’il le peut. « Ma vision du futur, c’est que je vais continuer à servir la population. Je vais continuer à démontrer de l’amour les uns pour les autres. Je vais faire ça toute ma vie. Et si c’est à Saint-Jérôme, tant mieux. Si c’est ailleurs, ce sera comme ça », conclut-il.

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