Chat GPT dans les écoles : entre inquiétudes et intégration
Par Ève Ménard
L’intelligence artificielle fait des vagues dans les écoles et crée des inquiétudes. Comment les établissements et les enseignants s’ajustent-ils à l’avènement des nouvelles technologies, comme Chat GPT ?
Chat GPT est arrivé en novembre dernier. Dès janvier, ce nouvel outil a semé davantage d’inquiétudes au Cégep de Saint-Jérôme, raconte Patricia Tremblay, directrice des études. Puis, le 15 mars, une demi-journée de réflexion a été organisée pour discuter de l’impact de ces nouvelles innovations sur l’enseignement, la manière de les appréhender et les risques de dérapage, notamment.
Les craintes portent surtout sur le plagiat, et les discussions, sur les manières de prévenir et de détecter ce genre de fraude. Les inquiétudes proviennent majoritairement des départements de français, de philosophie et des sciences sociales, où les méthodes pédagogiques sont souvent axées sur la rédaction. « Il y a des professeurs qui ont déjà décidé de changer leur méthode d’évaluation. Ils favorisent de petites entrevues ou des examens en présence plutôt qu’en classe », indique la directrice des études. Il n’y a pas non plus que les robots conversationnels comme Chat GPT qui améliorent leur technologie. Compilatio, un logiciel de prévention et de détection du plagiat que le Cégep utilise, améliore également leurs méthodes automatisées. Ça donne des outils aux enseignants, souligne Patricia Tremblay.
L’interdire ou l’inclure ?
Chat GPT déclenche des réactions mitigées au Cégep. « Il y a des enseignants qui voudraient qu’on l’interdise, d’autres qui voudraient qu’on l’inclut ou qu’on l’enseigne », souligne Mme Tremblay. Cette dernière rappelle d’ailleurs l’autonomie professionnelle des professeurs. L’établissement ne peut pas décider d’interdire ou d’imposer l’utilisation de Chat GPT. « Les professeurs ont la latitude d’utiliser les outils qu’ils veulent dans leurs cours », affirme la directrice des études. Le Cégep de Saint-Jérôme en est plutôt à l’étape d’informer, de sensibiliser et d’outiller les enseignants à cette nouvelle innovation.
D’ailleurs, dès qu’il est question des technologies, leur intégration se fait toujours au rythme de l’enseignant et selon sa volonté. « Il n’y a pas d’orientation fixe sur l’intégration du numérique. Selon le cours, les outils peuvent être utiles, ou non », explique Patricia Tremblay. On retrouve d’ailleurs de tout parmi le personnel enseignant : certains intègrent la nouvelle technologie à 100%, alors que d’autres, pas du tout. François Simard, professeur en technique d’éducation spécialisée, fait partie de la première catégorie.
La technologie pour diversifier les méthodes d’enseignement
Dès les balbutiements de l’intégration technologique en classe, François Simard s’est intéressé aux différents logiciels qui pourraient diversifier son approche pédagogique. Sa principale motivation, au départ, était de favoriser l’implication des étudiants qui s’exprimaient moins en classe. Il a donc créé des quiz en ligne, où tout le monde pouvait répondre en même temps. Aujourd’hui, à chaque début de cours, il utilise Kahoot!, qui permet la création de questionnaires à choix multiples et la participation simultanée des étudiants. « Je fais un petit questionnaire de quatre ou cinq questions sur le cours précédant. Ça met de l’énergie et de la bonne humeur en classe », souligne M. Simard.
Un autre outil fantastique qu’il a découvert est Loom, qui permet notamment l’enregistrement de vidéos. Lorsque François Simard donne un travail à faire à ses étudiants, il l’explique en classe et remet une feuille de consignes. Sur celle-ci, il y a également un code QR qui redirige les élèves vers une vidéo enregistrée sur Loom. Dans celle-ci, ils peuvent écouter à nouveau l’explication vocale du professeur. Pour un étudiant qui comprend mieux les consignes exprimées oralement qu’à l’écrit, cette initiative peut faciliter sa compréhension. « Les moyens technologiques font partie des outils nous permettant d’adapter notre enseignement à une variété de besoins, sans nous donner trop de travail supplémentaire », précise M. Simard.
Chat GPT, comme un nouvel employé
François Simard utilise Chat GPT dans la planification de sa matière. L’outil lui permet d’économiser du temps et de bonifier ses activités. Dans ses cours, l’enseignant doit régulièrement écrire des scénarios à partir de clients fictifs. Mais c’est très long, indique-t-il, et ça finit par « tourner autour des mêmes histoires ». Chat GPT facilite cette préparation. « Je me bâtis un client modèle à mon goût et je dis au robot que j’ai besoin de cinq clients comme ça, mais qu’il doit faire varier telle ou telle chose. Ensuite, j’ai seulement besoin d’ajuster quelques aspects. Je sauve un temps incroyable », raconte l’enseignant. Même chose pour ses Kahoot!. « Je n’avais pas beaucoup de temps une fois pour préparer mes questions, alors j’ai dit voici ma matière, j’ai besoin de cinq questions à choix multiples. Je les ai un peu ajustées, mais dans l’ensemble, c’était bon ! »
Bien sûr, il y a des pièges à éviter avec Chat GPT. Des informations sont erronées et peuvent induire les étudiants en erreur, ou les orienter vers une seule manière de penser. Ça pose donc problème au niveau du jugement critique et de la pensée réflexive, fait savoir Patricia Tremblay. Ça laisse également planer des doutes concernant la propriété intellectuelle et au niveau des renseignements personnels. « Si quelqu’un dépose une question ou un travail sur Chat GPT, le robot peut reprendre ce matériel. C’est un aspect qui a également été soulevé lors du panel de réflexion, » indique la directrice des études.
Lorsque l’outil est utilisé à bon escient, il peut toutefois aider dans la planification des cours, comme en témoigne l’utilisation de M. Simard. « C’est une machine qui fait de la rédaction, essentiellement. Quand j’ai un modèle, un texte de départ ou un but, c’est utile. Je lui dit que j’ai besoin de cinq questions là-dessus, dont une à développement, ou que je souhaite avoir une dictée trouée. Quand c’est le temps de rédiger, c’est comme avoir un employé, mais que tu dois quand même orienter », explique l’enseignant.