De Madrid aux Laurentides : le parcours inspirant d’une architecte
Par Alec Brideau
Audrey Milette-Monier déteste la pluie. En fait, elle la déteste tellement que lorsqu’elle a eu à choisir parmi 21 destinations pour continuer ses études en architecture, elle a opté pour celle où il pleuvait le moins souvent.
Ce choix d’aller compléter son baccalauréat à Madrid en Espagne, à la Universidad CEU San Pablo, a été déterminant pour Audrey. La fondatrice de l’Agence M – architecture, à Morin-Heights, a également réalisé une maîtrise en architecture à l’Université Laval.
À Madrid, elle a découvert un univers complètement différent : ses études à l’étranger se déroulaient dans une école polytechnique privée et catholique, riche en moyens et en perspectives.
« J’ai vraiment trippé, nous raconte-t-elle. Là-bas, les architectes sont aussi ingénieurs. Comme l’école est privée, elle avait énormément de moyens aussi. Ils ont vraiment une approche différente. »
Cette expérience lui a permis de développer son côté artistique, mais aussi sa pensée créative. Elle partage d’ailleurs que son réflexe de mettre ses idées sur papier, avec des croquis et des schémas, lui vient beaucoup de ses études là-bas.
« Au Québec, on travaillait beaucoup avec l’ordinateur dès les premières années d’études, dit-elle. En Espagne, ils sont très, très axés sur le réflexe, disons. Je crois qu’en général, vivre à l’étranger t’amène à voir les choses un peu différemment, dit-elle. Se sentir étranger et découvrir des choses, c’est une approche que j’essaie d’avoir. Rester dans ses pantoufles, ce n’est pas nécessairement ce qu’il y a de mieux pour le développement humain. »
Connaître son client
Si Audrey a pris le temps de chercher la meilleure des 21 destinations pour son baccalauréat, et ce, en fonction de la pluie, il n’est pas surprenant de voir le dévouement qu’elle y met pour un client afin d’être certaine d’offrir le meilleur résultat possible. Lors d’une première rencontre, la première chose que fera Audrey sera de lui demander à quoi ressemble une journée typique dans sa vie.
Audrey travaille en priorisant l’intérieur de la demeure, puis l’extérieur. C’est aussi pour cela qu’elle veut connaître le quotidien de son client et s’adapter en conséquence. Une maison peut être magnifique de dehors, mais si elle ne correspond pas aux besoins du client, ça n’aide pas.
« J’ai un client qui me disait qu’en se levant le matin, il regarde toujours la télé, illustre Audrey. C’est donc primordial qu’il ait une télé visible d’où il déjeune. Parfois, des gens me parlent d’un chalet qui sert simplement à recevoir le week-end. Dans ce temps-là, tu dois penser différemment, par exemple pour l’espace de cuisine et du salon pour accueillir. »
Une visite s’impose
Comprendre le quotidien d’une personne, c’est une chose, mais voir par soi-même à quoi ressemble l’endroit à travailler ou à rénover, c’est tout aussi important.
Audrey se déplace toujours pour voir et discuter de ce qu’un client aime et n’aime pas.
« Il y a aussi des clients avec qui je me promène en voiture dans des quartiers et ils me disent : “cette maison-là, je ne l’aime vraiment pas !”, ajoute-t-elle. Parfois, ça m’aide à mieux visualiser certaines choses parce qu’il arrive qu’une personne ne soit pas capable d’exprimer clairement ses goûts en mots. »
Rythme de vie
Travailler en région ou en ville, ça change aussi la donne pour une architecte. Les lois, les normes et le code du bâtiment demeurent, mais le rythme de vie est différent, selon Audrey.
« Ici, souvent on peut prendre le temps de s’asseoir avec nos clients, prendre un café et discuter pour mieux les connaître, indique-t-elle. C’est rare qu’il y a des clients qu’on ne connaît pas personnellement. Même les clients, justement, vivent sur ce rythme-là. »
Tout le monde y gagne
Livrer un projet et voir la satisfaction du client, qu’il est heureux avec le résultat, c’est ce qu’Audrey préfère de son boulot.
« Une fois, des clients m’ont dit qu’ils avaient un casse-tête de 8 000 morceaux qu’ils avaient acheté en 2000, mais qu’ils n’avaient jamais eu l’espace pour le faire à leur chalet, se souvient-elle. Récemment, ils m’ont dit “on va pouvoir faire notre casse-tête !”. C’est le genre de choses que j’apprécie beaucoup. »
Être architecte, ce n’est pas juste faire des schémas. La preuve, Audrey ne cache pas qu’elle aime bien lorsqu’elle doit trouver des solutions à des situations plus techniques.
« J’aime bien le côté normatif de mon métier aussi, dit-elle. Parfois, il faut que je plonge dans le code du bâtiment, et essayer de trouver une solution à un problème, ou juste explorer des alternatives. »
Tout, sauf architecte
Audrey a grandi dans une famille d’ébénistes. Son père l’était et son grand-père aussi. Maintenant, ce sont ses cousins. Elle a été dans le milieu du design et de la construction toute sa vie. Son père l’amenait même sur les chantiers avec lui.
« Un jour, il m’a dit : “tu peux tout faire dans la vie, mais tu ne seras pas architecte”, raconte Audrey. Il trouvait que la profession n’était pas reconnue à sa juste valeur. En même temps, les architectes ont la réputation d’être “des pelleteux de nuages”, de ne pas être dans le concret, de ne pas savoir comment ça se construit, etc. Finalement, j’ai fait tout le contraire et je me suis dirigée dans cette profession. Ça m’a toujours attirée parce que je trouve que c’est une profession qui est très normée, très rigide. Le rôle d’un architecte, c’est de respecter les normes, de rendre le tout fonctionnel, mais aussi de rendre ça inspirant. »