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Vous souvenez-vous de…Merkur?


Le Guide de l'Auto

Article par Hugues Gonnot

Ah, les années 80! Les années des yuppies, les années fric où les autos importées de luxe étaient devenues un symbole de réussite et de bon goût. Mercedes-Benz, BMW, Audi ou Volvo commençaient à se tailler la part du lion. Sans parler d’Acura, lancée par Honda en 1986 pour lutter contre les voitures européennes et qui donnera des idées à Toyota et Nissan de lancer quelques années plus tard leurs propres marques haut de gamme (Lexus et Infiniti).

Combattre le feu par le feu
Alors que Cadillac, Lincoln et Chrysler commencent à être ringardisées, Ford décide de répondre à l’engouement pour les véhicules européens en important ses propres autos d’Europe. Ainsi est née en 1985 la marque Merkur (traduction allemande de Mercury, ils sont allés la chercher loin celle-là!), marque qui sera distribuée dans le réseau Lincoln-Mercury. Sur le papier, ça pouvait marcher. Ford avait déjà importé le coupé Capri dans les années 70 avec un certain succès.

On commence par…
La première à arriver sur notre continent sera la XR4Ti. Elle est basée sur la version la plus haute de la Ford Sierra européenne (lancée en 1982), la XR4i. Ce n’est ni plus ni moins que « Maximum » Bob Lutz, alors chez Ford Europe, qui a défendu l’idée d’importer la Sierra en Amérique du Nord. Il avait été impressionné par la tenue de route de l’auto.

Malheureusement, Ford ne pouvait pas utiliser le nom Sierra sur le continent nord-américain, il était déjà en usage chez GMC. On utilisera donc XR4Ti. Pourquoi le T? Parce qu’à cause du processus de fédéralisation du modèle (incluant de nouveaux pare-chocs, des cadrans en miles et des planchers modifiés pour le convertisseur catalytique), le V6 2,8 L original de la XR4i devenait disons… asthmatique.

Ce bloc a donc été remplacé par un 4 cylindres 2,3 L turbo, similaire à ceux montés dans la Mustang SVO et la Thunderbird Super Coupe (sans l’échangeur de température). Accouplé à une boîte manuelle à 5 rapports, il développait 175 chevaux mais ce chiffre baissait à 145 chevaux avec la boîte automatique à 3 rapports.

Esthétiquement, elle conserve l’impressionnant double aileron arrière de la version européenne. La XR4Ti n’est pas fabriquée sur les chaînes de montage de la Sierra, mais chez le carrossier Karmann, à Rheine en Allemagne.

Au départ, ce sont 800 concessionnaires qui offrent la XR4Ti… ce nombre baissera rapidement. Au Canada, l’auto est proposée à 23 000 $ et se place directement en face des BMW Série 3 et Mercedes 190 avec un équipement plus riche.

Ford estime que les ventes annuelles vont osciller entre 16 et 20 000 exemplaires pour l’Amérique du Nord. Les deux premières années sont plutôt bonnes avec 12 400 ventes en 1985 et 13 559 en 1986. Après, les chiffres baissent rapidement : 7 352 en 1987, 6 283 en 1988 et 2 870 en 1989.

Durant son existence, la XR4Ti ne subira que peu de changements. Parmi les plus notables, on remarque l’option peinture monochromatique, le tableau de bord redessiné et de nouvelles jantes en 1987 ainsi que la disparition du double aileron au profit d’un dessin plus subtil en 1988.

Deuxième service
Afin de s’attaquer aux BMW Série 5, Mercedes 300 et autres Audi 100, Merkur introduit en 1987, pour le millésime 88, la Scorpio, voiture de l’année européenne 1986. Il s’agit d’une berline à hayon (assez inhabituel dans le segment) qui bénéficie d’un V6 de 2,9 litres développant 144 chevaux. Le moteur pouvait être accouplé à une boîte manuelle à 5 rapports ou à une automatique à 4 rapports.

La Scorpio vient bien équipée avec, notamment, l’ABS (c’est rare à l’époque), une radio à 6 haut-parleurs, des sièges électriques (y compris la banquette arrière) et un volant réglable en hauteur et profondeur.

Au Canada, elle est vendue à partir de 34 000 $, la plaçant favorablement face à ses concurrentes allemandes. Malheureusement, la Scorpio ne se vendra qu’à 22 010 exemplaires sur deux millésimes.

Le couperet tombe
Fin 1989, Ford annonce l’arrêt définitif de Merkur. Les raisons de cette décision sont nombreuses : des ventes faibles, un taux de change avec le mark allemand peu favorable et de nouvelles normes de sécurité à venir.

Ces normes impliquaient l’installation de ceintures de sécurité automatiques ou d’un coussin gonflable, nécessitant de lourds investissements, les autos n’ayant pas été conçues pour de tels équipements.

Merkur n’a jamais su trouver sa place. Les deux modèles ont été plutôt bien accueillis par la presse spécialisée. Mais la XR4Ti n’était à proprement parler pas une auto de luxe et la Scorpio est arrivée trop tard. Le réseau n’était pas non plus très motivé, réalisant de meilleures marges sur les Mercury Sable, Grand Marquis et autres Lincoln Town Car.

Enfin, dans ces années où l’image était plus importante que tout, le logo Merkur ne représentait rien face à l’étoile de Stuttgart, l’hélice de Munich ou les 4 anneaux d’Ingolstadt.

La Sierra perdurera en Europe jusqu’en 1993 et sera remplacée par la Mondeo (la Contour en Amérique du Nord). Quant à la Scorpio, elle sera produite jusqu’en 1998, et ne sera pas renouvelée, victime de la concurrence de marques plus prestigieuses.

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