Plans d’eau : La vivipare chinoise s’ajoute aux parasites
Par Luc Robert
Introduite volontairement au Canada dans la rivière Niagara et le lac Érié entre 1930 et 1940, puis découverte au Québec dans les années 1970, la vivipare chinoise s’ajoute aux parasites venant compromettre la vie de nos plans d’eau.
Souvent utilisée par l’humain pour entretenir et nettoyer des aquariums maison, la vivipare peut atteindre 7 cm de longueur et de largeur. Elle est reconnue par sa couleur brune, verte olive et/ou rougeâtre. Son opercule rigide est relativement circulaire. Elle se reproduit de juin à octobre et atteint sa maturité sexuelle vers l’âge de 6 mois. Son espérance de vie va de 4 ans (mâle) à 5 (femelle) ans. Elle accouche directement de juvéniles et ne pond pas d’œufs.
« Sa venue dans nos lacs et rivières a des conséquences écologiques, à cause de l’envasement qui survient lors du décès d’un individu. Ses fragments s’implantent et il y a peu de chance de l’éradiquer. Ce genre d’escargot survit en supportant les températures sévères. La vivipare consomme beaucoup de nourriture et déloge les espèces locales. En consommant trop, elle déséquilibre les cycles de nutriments, alors que les excréments relâchés ont des effets sur nos cours d’eau (puisqu’ils contiennent du phosphore et de l’azote) », a soulevé M. Éric Guerra, chargé de projet et spécialiste de la restauration en milieu hydrique à l’Organisme de bassin versant de la rivière du Nord (OBVRDN).
Une fois introduite, la vivipare chinoise peut proliférer à un rythme affolant. « La femelle peut produire 25 jeunes par an, mais peut dépasser de 60 à plus de 150 jeunes. Elle peut se reproduire rapidement et s’introduire tant dans les ruisseaux que les lacs. Un individu a même été recensé dans la rivière du Nord à Lachute, mettant ainsi un bémol à la théorie voulant que la vivipare reste seulement dans les eaux calmes. La réalité, c’est qu’elle se tient à plus d’endroits que prévus, et qu’elle prolifère malgré les courants d’eau forts. »

Les Laurentides
L’escargot exotique, originaire de l’est de l’Asie, laisse sa marque dans la région laurentienne. Quelques spécimens ont été découverts au lac Connelly, à Saint-Hippolyte, mais son apparition semble jusqu’ici anecdotique dans ce secteur.
Toutefois, un document de l’OBVRDN note que dans le secteur de Gore, au lac Barron, une large présence de la vivipare chinoise est documentée. « Une première observation a eu lieu en 2014. La population a été estimée à 4 000 individus en 2024, sur un substrat sablonneux, pas vaseux, et ce jusqu’à 6 mètres (de profondeur) », est-il détaillé dans le document.
Devant ce constat, une alerte aux riverains de la région a été lancée le printemps dernier. « Dans le cadre d’un 5 à 7 tenu à Sainte-Adèle en mai dernier, nous avons informé les associations de lacs de la région au sujet de la vivipare chinoise, par le biais d’une présentation. Nous récoltons encore des renseignements sur cet escargot. On fonctionne selon des bases de données publiques », a précisé M. Guerra.
« Une très forte concentration est notamment notée au lac Louisa, à Wentworth-Nord. On peut parler d’un million d’individus. Des plongeurs expérimentés en ont trouvés à une bonne profondeur », a-t-il ajouté.
Parasites variés
Après la moule zébrée, le myriophylle à épis, la châtaigne d’eau et les algues bleu-vert, les lacs des Laurentides se passeraient bien cette fois de la présence envahissante de la vivipare chinoise.
« La réalité, c’est qu’elle se tient à plusieurs endroits. Elle n’a pas le même genre d’effet ou d’interaction, comme les herbiers qui découlent de la myriophylle et qui impactent les bateaux et les baigneurs. Ou encore les chiens et humains qui sont affectés par les algues bleues (dermatite du baigneur, E. coli, etc). Cela peut alors devenir un enjeu de santé publique pour la baignabilité des plans d’eau. Mais la vivipare se trouve parmi nos lacs et à plus d’endroits que prévu. Elle pourrait contribuer à la hausse des cyanobactéries, des planctons et des algues : elle peut déranger, mais pas de la même manière », a constaté M. Guerra.
Le document de l’OBVRDN élabore aussi sur les impacts que l’escargot exotique peut avoir sur l’environnement. « Il peut résulter d’une mauvaise qualité de l’eau (à cause de la relâche de phosphore et d’azote); elle peut contribuer à l’eutrophisation (mort accélérée) des petits plans d’eau, ou au remplacement de la faune indigène, via la transmission de pathogènes et de parasites. »
Parmi les autres impacts, notons l’obstruction possible de conduites d’eau, l’accumulation de coquilles pointues le long des rives et les mauvaises odeurs causées par les carcasses.
Éradication ?
Des citoyens espèrent identifier la vivipare et s’en débarrasser. Mais les démarches peuvent s’avérer compliquées. « La loi interdit d’enlever les plantes ou espèces indigènes. Il faut un permis ministériel pour en disposer. Un permis peut toutefois être demandé au gouvernement pour une région entière, comme une MRC par exemple », a suggéré M. Guerra.
Le document note en effet « que l’obtention d’un permis ministériel est nécessaire pour retirer un escargot d’un plan d’eau, indigène ou exotique, qu’on peut obtenir la supervision d’un biologiste, et que l’on peut obtenir du financement pour la lutte aux espèces envahissantes. D’ailleurs, à la MRC d’Argenteuil, il existe un projet en développement avec la Fondation de la faune du Québec ».