(Photo : Sacha Rancourt)
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Malgré sa surdité, elle surmonte les barrières

Par Marie-Catherine Goudreau

Stéphanie Veilleux, 28 ans et résidente de Saint-Jérôme, terminera cette année son DEC en Gestion et techniques de scène au Collège Lionel-Groulx. Ce qui rend cette réussite si spéciale, c’est qu’elle est malentendante et atteinte de surdité bilatérale sévère depuis sa naissance.

Stéphanie a toujours eu un intérêt pour le milieu du spectacle. Après des études en comptabilité et un parcours qui est allé dans différents sens, elle a décidé de poursuivre son rêve dans le domaine du spectacle. « Au départ, quand Stéphanie s’est inscrite dans le programme, les gens étaient surpris. Personne n’avait jamais vu une personne malentendante en techniques de scène. Mais les professeurs et la direction ont bien vu qu’elle était très sérieuse dans ses démarches », nous raconte sa mère, France Bourgault.

La frontière de la langue

Quatre années plus tard, les défis rencontrés ont été nombreux, autant pour elle que pour les professeurs et interprètes, mais tous souhaitaient la voir réussir. C’est ce que témoigne un des enseignants qui l’a côtoyé tout au long de son parcours, Serge Péladeau. « J’ai dû apprendre à communiquer avec Stéphanie avec l’aide des interprètes. Ces derniers doivent d’abord comprendre ce qu’on enseigne pour ensuite bien le transmettre. » Au fil du temps, la barrière de la langue s’est estompée pour laisser place à une relation d’inclusion et d’encouragement avec son étudiante.

Les termes utilisés dans ce domaine n’étant pas communs pour les interprètes, le travail devenait plus long et demandait plus d’efforts. « Moi ma tâche, c’est d’assurer que mes étudiants atteignent leur rêve. Je voyais cette personne rêver et je me suis dit que j’allais faire mon possible pour qu’elle y arrive. Je retire vraiment un plaisir de la voir réussir », confie le professeur qui enseigne la fabrication de décors et de spectacle, et la direction technique.

Malgré les épreuves, Stéphanie a réussi à s’intégrer et à s’impliquer dans le groupe. La langue des signes québécoise (LSQ) est sa première langue et celle avec laquelle elle est plus à l’aise de s’exprimer. Elle est toutefois capable de parler et d’entendre un peu grâce à un appareil auditif, ce qui facilite les communications. « On est allé à plusieurs spectacles et ses amis venaient nous voir. Ils étaient impressionnés d’elle et des efforts qu’elle mettait pour être au même niveau que tous », souligne sa mère. Elle s’est notamment plus impliquée au cours des deux dernières années. « C’est le premier endroit où elle se sent bien, à sa place. »

Ses différences, ses forces

Son enseignant explique qu’elle est notamment performante dans les ateliers puisqu’elle est en mesure de se concentrer sur son travail et celui des autres. « Les personnes malentendantes sont souvent performantes manuellement. Stéphanie est précise dans ce qu’elle fait, mais sait aussi bien diriger les autres dans une production », explique sa mère. Selon elle, son handicap l’aide à accomplir les choses différemment, et mieux même.

« Parfois, les gens voient seulement ce qu’elle ne peut pas faire. Moi je me suis demandé ce qu’elle peut faire », explique le professeur. Il a remarqué qu’elle était beaucoup plus attentive aux autres étudiants et visuellement, qu’elle s’adaptait très rapidement et que ses projets avançaient plus vite.

Aujourd’hui, elle peut diriger une équipe d’étudiants, de la production à l’atelier, en passant par l’éclairage et les décors. Pour la suite, elle souhaiterait travailler dans le milieu du spectacle ou de la télévision.

À travers son histoire, sa mère souhaite souligner cette réussite pour encourager les autres personnes handicapées à poursuivre leur rêve, malgré la différence. « Ça prend beaucoup de courage et de détermination pour en arriver là, mais c’est possible. Dans l’espoir qu’ils trouveront leur place dans la société d’aujourd’hui. » Et pour les professeurs, c’est une expérience enrichissante, comme le témoigne M. Péladeau.

« C’est le plus beau défi que j’ai eu à relever dans ma carrière. »

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1 Comment

  1. Daniel Fiset

    Je ne connais pas Stéphanie ni aucun(e) des différent(e)s professionnels(elles) qui ont travaillé avec elle. J’ai une bonne idée de ce qu’implique le travail des professeur(e)s et des interprètes. En plus des compétences respectives et du respect mutuel, la collaboration, la communication et l’empathie sont essentielles à un travail d’équipe profitable à l’étudiante. Dans le cas de Stéphanie je suis convaincu que le soutien familial, les études antérieures et la maturité développée après quelques années de parcours professionnel diversifié en faisaient une candidate de choix. Elle avait tout ce qu’il fallait pour réussir tous les objectifs de son programme d’études. Je lui souhaite grand succès dans la carrière qui devrait s’amorcer en dépit des restrictions actuelles liées à la pandémie. Comme dit notre premier ministre, il y a de la lueur au bout du tunnel et Stéphanie sera de ceux et celles qui la feront briller de tous ses feux. Daniel Fiset. Directeur retraité du Centre d’aide aux élèves ayant des besoins particuliers du Cégep du Vieux Montréal

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