Hommage à Rita Lafond : une grande figure des expropriés de Mirabel s’est éteinte
Par Luc Robert
Mme Lafond (Léonard-Lafond) habitait dans une résidence pour aînés de Saint-Jérôme. Sa famille s’était installée dans le secteur Bellefeuille, après les procédures d’expropriation du gouvernement fédéral à Sainte-Scholastique. « C’est un choc pour toute la famille et les amis. Le décès est encore trop récent pour organiser le déroulement et fixer la date des funérailles », a commenté sa fille Marie-France Lafond.
Mme Lafond a longtemps milité pour les droits des quelque 12 000 expropriés par le gouvernement fédéral, dans les secteurs de Saint-Antoine, Saint-Janvier, Sainte-Anne-des-Plaines, Sainte-Sophie, Saint-Canut, Saint-Augustin, Saint-Benoît, Saint-Hermas, Saint-Jérusalem, Saint-Placide, Saint-André d’Argenteuil et Lachute. Par ailleurs, les principales expropriations ont eu lieu à Sainte-Scholastique et à Sainte-Monique, des secteurs centraux dans l’enceinte de l’aéroport maintenant fermé aux vols de lignes.
« C’est l’une des personnalités marquantes de cette cause historique concernant l’abus du gouvernement fédéral à Mirabel. Ma mère était une dame de convictions et défendait la justice. Elle aurait bien aimé devenir avocate. Elle voulait qu’on s’intéresse à plein de sujets, dès notre plus jeune âge, pour qu’on puisse faire des choix éclairés dans la vie. La politique a fait partie de l’éducation qu’on a reçue », a témoigné Marie-France Lafond.
Le gouvernement fédéral de Pierre-Elliot Trudeau avait exproprié 97 000 acres dans le secteur de Mirabel, dont 80 000 ont été revendus ensuite en 1985 et en 2005. Plusieurs terres ont été rétrocédées aux expropriés originaux, dont plusieurs avaient refait leur vie ailleurs.
« Cette cause a dépassé nos frontières. Avec mon père (Roméo Lafond) et feu-Jean-Paul Raymond, la cause des expropriés de Mirabel a été reconnue mondialement. Des situations similaires se sont produites en France et au Nouveau-Brunswick, notamment avec Jackie Vautour et le Parc Kouchibouguac. Ma mère était la force tranquille parmi les leaders locaux. »
Institutrice du secteur
Institutrice à l’école du rang Belle-Rivière dans les années 1950, à Sainte-Scholastique, Mme Lafond a laissé d’excellents souvenirs à ses anciens élèves. « C’était une dame sans agressivité, mais qui savait ce qu’elle avançait et pouvait défendre ses idées. Excellente professeure, elle s’occupait des classes de la 4e à la 6e année. Son tempérament faisait que tout se passait en douceur et méthodiquement, mais fermement. Il n’y avait pas de conflit, mais comme jeunes étudiants, on avait intérêt à obéir et à suivre les consignes. Rita fut une grande dame qui a marqué le Québec et la défense des droits des citoyens », s’est souvenue Mme Monique Robert-Kingsbury, maintenant résidente du secteur Saint-Benoît, elle-même une enseignante retraitée.
Le C.I.A.C.
Très active au sein du Centre d’information et d’action communautaire (CIAC) de Sainte-Scholastique, Mme Lafond a multiplié les revendications et l’organisation de manifestations pour défendre la cause des expropriés qui se sont fait entendre à plusieurs reprises devant le Parlement canadien.
« Ma mère collaborait avec les autres dirigeants des assemblées pour la défense des droits des expropriés. Je suis fière de ce qu’elle a réalisé », a repris Marie-France Lafond. Un livre a déjà été publié sur l’œuvre de Rita Lafond (https://zonelibre.ca/livres/9782982179103/rita-leonard-lafond-parcours-et-paroles-de-solidarite/). Plusieurs documents vidéo retracent aussi son implication citoyenne, dont les cinq épisodes de l’artiste-musicienne Laurence Viale, intitulés : Dossier Mirabel, épisodes 1 à 5.
« La défense de Mirabel se serait-elle rendue jusqu’aux rétrocessions de plusieurs terres sans l’implication des femmes ? Les dames qui venaient assister aux réunions du syndicat des agriculteurs, au début, étaient souvent perçues comme n’ayant pas confiance en leur mari. Mais c’était à leur vie familiale qu’on s’attaquait, en leur signifiant qu’elles n’étaient plus chez elles sur leurs propres terres. Elles constataient la dégradation de la situation et disaient à leur homme de faire quelque chose, voyant que les gens s’enfermaient dans le silence ou la dépression. Elles ont contribué à ce que ceux-ci se tiennent debout face au fédéral, pour ce saccage des terres de nos ancêtres », a relaté Rita Lafond, dans l’épisode 5 toujours disponible sur Youtube.