Le VIH est toujours là, la discrimination aussi
Par Rédaction
SAINT-JÉRÔME. Richard Cadieux a 58 ans. Le 26 octobre 1996, il était diagnostiqué séropositif. Sa vie venait de basculer. Aujourd’hui, Richard se considère en pleine santé. Mais aussi, il milite pour que les personnes diagnostiquées séropositives ne soient plus discriminées.
Pour Richard, être séropositif, cela veut dire 18 ans d’apprivoisement et « apprendre à vivre avec cette réalité. L’apprivoiser m’a aidé à aider d’autres personnes qui ont le même diagnostic à pouvoir garder un espoir, garder une dignité. Ça m’a rendu empathique à toutes personnes qui ont besoin d’être accueillies dans leur fragilité. »
Oui, ce diagnostic change une vie. « Quand le médecin m’a diagnostiqué séropositif et ne me donnait pas un an à vivre, ça été difficile pour moi. Sur le moment, quelque chose s’arrêtait. Mais, avec les nouvelles molécules, les nouvelles médications, ça a donné un nouvel élan dans ma vie, le corps s’est remis en place et je suis en pleine santé. Maintenant, l’espoir de vie est assuré », nous confie-t-il
Encore de la discrimination
Dans les années 80, il y avait peu de médications, donc plusieurs en mourraient. « Maintenant, même si le VIH ne se guérit pas, on peut le contrôler et beaucoup moins de gens en meurent. À ce jour, on ne parle pas de gérer le décès des personnes, mais de gérer la vieillesse des gens vivant avec le VIH », nous explique Richard Cadieux.
M. Cadieux a œuvré dans le domaine pastoral, psychosocial, dans celui des maisons d’hébergement en VIH. Directeur général pour Sida-Vie à Laval pendant quatre ans, il travaille depuis trois mois pour la Clinique santé du Centre Sida Amitié.
Mais, surtout, Richard milite pour que les personnes diagnostiquées séropositives ne soient plus marginalisées : « Pour moi, le 1er décembre (Journée mondiale de lutte contre le sida) c’est aussi arriver au respect, à la qualité de vie et à la dignité de ces personnes-là qui ont le droit d’être accueillies et non discriminées. »
Richard Cadieux rappelle que les séropositifs ne sont pas des gens dangereux. Or la population a encore peur. « Je l’ai vécu moi-même. La société a encore de la difficulté à comprendre le VIH et à accueillir les gens comme ils sont. » Il nous parle, entre autres, de la difficulté à développer une relation affective lorsque l’on est séropositif.
Pour lui, l’élément le plus important de cette journée mondiale de lutte contre le VIH/sida, c’est de mettre en lumière comment les gens vivent avec le VIH dans leur quotidien, dans leur relation avec les personnes, comment ils se sentent eux-mêmes. « Il y a toute une dimension de discrimination. Il y a de la malinformation qui fait que les gens ont peur du VIH alors que maintenant, la personne séropositive est une citoyenne comme les autres qui vit comme n’importe qui d’autre ».
Il nous parle à titre d’exemple de ceux qui ne peuvent pas faire de bénévolat, des refus pour accéder à une assurance vie, de ceux que l’on met à la porte de leur emploi ou de leur logement parce qu’ils étaient séropositifs.
Selon lui le défi est d’arriver aujourd’hui à informer, éduquer la population générale sur la réalité de ce que vit une personne séropositive: « le VIH ne se transmet pas aussi facilement qu’on le dit ».
Pour lui, le 1er décembre, c’est parler d’une lutte pour se libérer de ce fléau, le VIH/sida, de trouver un médicament qui amènera la guérison, c’est se souvenir que le VIH existe toujours, mais aussi c’est mettre de l’avant que « C’est le sida qu’il faut exclure et non les personnes séropositives. »
« En quoi un séropositif est-il plus infectieux que n’importe qui d’autre? Il y a des jugements rattachés à cela. Par exemple, quand on s’adresse à des gens atteints du diabète, du cancer, la population a une empathie, alors que pour le VIH, c’est comme si l’on parlait à des gens pervers…», constate Richard.
Oui, le 1er décembre est une journée importante : « c’est défendre la cause de ces personnes et les aider à vivre dans la dignité. » Richard Cadieux se fait appeler « accueilliste » à la Clinique santé amitié, un programme du Centre Sida Amitié (CSA). « Oui, j’accueille les gens, leur offre un sourire, un bonjour, je suis là pour eux, pour les écouter, rire avec eux. Je milite pour que les séropositifs puissent se dire tels qu’ils sont. »
Il nous parle aussi de l’importance d’offrir un réseau où les personnes séropositives puissent se parler:
« Est-ce qu’on connaît leur réalité, le combat intérieur qu’elles vivent, ce besoin qu’elles ont d’être reconnues dans leur dignité? », plaide-t-il.
Êtes-vous heureux? « Oui, même si j’ai mes combats, mes difficultés, mes remises en question. Je suis heureux parque je suis reconnaissant de ce je vis et de ce que j’ai aujourd’hui comme gay, séropositif, comme croyant. Mon rôle est d’amener chaque personne dans cette reconnaissance de ce qu’elle vit, de ce qu’elle a et non d’être malheureuse de ce qu’elle n’a pas. Oui, dans le moment présent, je suis heureux. »