(Photo : Archives)

Conseil de Saint-Jérôme : un code de civilité rejeté en pleine incivilité

Par France Poirier

Il est 23 h 45. La séance du 17 juin du conseil municipal de Saint-Jérôme vient de se terminer. La conseillère Nathalie Lasalle déposait son projet de code de civilité entre élus. Mais la conseillère Carla Pierre-Paul, qui appartient au même parti que Mme Lasalle, a voté contre et a présenté un argumentaire d’une demi-heure pour expliquer son choix.

Plusieurs témoins ont souligné que les couteaux volaient bas lors de son intervention. Mme Pierre-Paul a-t-elle encore sa place avec Avenir Saint-Jérôme ? C’est ce que plusieurs membres du parti se demandent dans des commentaires à peine voilés. Martin Pigeon, chef du parti, soutient que des discussions sont en cours.

Le maire salue l’argumentaire de Mme Pierre-Paul

La conseillère Carla Pierre-Paul.

Il n’est pas rare dans un conseil municipal de voir des conseillers exprimer leur désaccord sur une décision en demandant le vote. Mais de voir une conseillère présenter un argumentaire de trente minutes pour critiquer le travail d’une conseillère du même parti, c’est rare. Le maire, Marc Bourcier, a accordé tout le temps voulu à celle-ci pour s’exprimer. Après l’assemblée, M. Bourcier a aussi salué le travail de Mme Pierre-Paul et son courage.

Le maire en a aussi rajouté après que tous les élus qui le désiraient se soient exprimés. Il a critiqué le code présenté par Mme Lasalle. Il n’a pas apprécié que celle-ci aille chercher des appuis dans d’autres villes et municipalités. Selon lui, ça laissait entendre qu’il y avait eu des incivilités entre élus dans le conseil actuel. Mme Lasalle se basait sur des situations vécues dans l’ancien conseil de 2017-2021.

Pas de proposition en caucus

Les deux conseillères font partie du parti Avenir Saint-Jérôme de l’équipe Martin Pigeon. « Les membres de l’équipe ont le droit d’avoir des opinions différentes et ont le devoir de les exprimer, c’est très sain. Ce que j’ai moins apprécié de la présentation de Mme Pierre-Paul, c’est dans la forme. Pourquoi ne pas avoir fait des propositions en caucus plutôt que de le faire en pleine séance ? », s’est demandé M. Pigeon en entrevue.

Il ajoute qu’il y a souvent des amendements qui se font aux projets proposés. « Moi, je le voyais comme une mouvance dans le temps, mais c’est quelque chose d’intéressant. Ce que je comprends, c’est que Carla en voulait beaucoup plus. Elle trouvait le code trop simple dans la forme. »

La conseillère Nathalie Lasalle.

« Depuis plus d’un mois, M. le Maire et les membres du conseil avaient le projet de Mme Lasalle entre les mains. Je dirais qu’il y a eu de la mauvaise foi de certaines personnes qui n’ont pas pris le temps de poser des questions. Mme Lasalle n’a pas eu de questions à ce sujet ou même des propositions d’amélioration. Est-ce qu’il était parfait ? Je vais dire non tout de suite. À mon avis, le code de civilité tel que présenté était teinté de l’ancienne administration où il y a des collègues qui ont subi des pressions qu’ils n’aimaient pas. Un code de civilité, c’est fait pour perdurer dans le temps, pas pour un événement. Parce que si tu le fais pour un événement, à ce moment-là, je pense que t’as manqué ton coup. Ce qui s’est passé, on ne veut plus que ça se passe à nouveau. Ça, c’est clair et net », soutient M. Pigeon.

Est-ce que Mme Pierre-Paul aurait dû exprimer ses commentaires à Mme Lasalle ? « C’est un choix qu’elle a fait. Un choix désagréable pour notre équipe, ça, c’est clair », ajoute le candidat à la mairie. « On va prendre des décisions pour Avenir Saint-Jérôme, ça, c’est sûr et certain. On savait qu’elle voterait contre. Elle a le droit. Elle n’est pas d’accord sur la forme. Elle est d’accord sur le fond parce qu’elle n’a jamais critiqué le code de civilité. Elle a critiqué comment il est fait », convient Martin Pigeon.

« Un climat tendu »

« On a vu des membres d’une même équipe régler leurs comptes en séance publique. Pour moi, maintenant, ce n’est plus un secret : chez Avenir Saint-Jérôme, le dialogue ne passe plus. Le climat est tendu, les divisions sont visibles, et ça se joue maintenant devant tout le monde », souligne Rémi Barbeau, chef du Mouvement jérômien et candidat à mairie.

« J’y crois, à un code de civilité. Ma collègue croit en sa démarche municipale et je lui ai dit clairement que si elle le déposait telle quelle, je demanderais le vote. Je ne sentais pas qu’il y avait une ouverture. Pour moi, il y a eu un manque de consultation. Le message qu’il faut retenir est qu’on doit se parler pour bonifier le projet », nous a confié Carla Pierre-Paul à l’issue de l’assemblée du conseil municipal.

« C’est un projet qui n’est pas prêt. Depuis que je suis là, il n’y a eu aucune incivilité, du moins rien qui ne m’a été mentionné. Le conseil a changé de ton. Il y a un travail qui mérite d’être fait. Mme Pierre-Paul l’a souligné. Quelles sont les conséquences ? On s’en va vers une règle qui n’est pas balisée. J’ai donné du temps différent à certaines personnes au-delà de deux minutes pour que le citoyen puisse s’exprimer. C’est mon jugement. Si un code vient baliser tout ça, il faut être rigoureux et on doit avoir l’unanimité. C’est un beau projet qui doit être travaillé et il n’y a plus de commissions d’ici les élections. On manque de temps. On va laisser ça à la prochaine administration », a ajouté le maire Bourcier.

« Depuis le début de notre mandat, tous les membres de l’équipe savent que je travaille sur un code de civilité, mais personne n’a jamais rien proposé de concret. J’ai transféré le document à tous les membres du conseil depuis plus d’un mois et personne ne m’est revenu avec des avis et des suggestions. Oui, je savais qu’elle voterait contre. Ce que j’ai vu et entendu lors du conseil de ma consoeur, c’est qu’elle a seulement dénigré une collègue en pleine séance du conseil en sachant très bien que la stratégie était justement de déposer un code le plus simple possible. Car bien entendu, j’ai d’autres versions beaucoup plus élaborées, mais je voulais mettre des bases et juste que ce soit des valeurs qu’on mettent en pratique », a rappelé Mme Lasalle en entrevue.

Une vidéo qui a fait jaser

Une vidéo a circulé sur les réseaux sociaux, mettant en vedette d’autres conseillers de Avenir Saint-Jérôme lors de la même assemblée. Alors que les micros devaient être fermés à la pause du conseil, ils sont restés ouverts et on a entendu deux collègues d’Avenir Saint-Jérôme qui tenaient des propos jugés discutables. Jean Junior Desormeaux parlait à un autre conseiller, Ronald Raymond, en disant vouloir « sauté à la gorge » d’un autre confrère, Dominic Boyer, qui avait tenu des propos qu’il n’avait pas apprécié.

« Ce sont des propos pris hors contexte et quelques minutes plus tard, on s’expliquait et tout était correct. On est allés prendre une bière ensemble après », a expliqué M. Boyer. « On est en pré-campagne électorale et certaines personnes préfèrent mener ce genre de campagne plutôt que d’apporter des idées », a ajouté ce dernier.

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