(Photo : Nordy )
Charlie Houde s'est taillée une place parmi l'élite, malgré moins de moyens financiers.

L’enjeu financier, un gros défi pour la skieuse

Par Ève Ménard

À 16 ans, Charlie Houde fait partie de l’élite du ski dans sa catégorie d’âge. Aux Jeux du Canada, l’athlète des Laurentides a terminé au 4e rang du classement général en ski alpin. La skieuse a notamment décroché une médaille d’argent au super-G. Ces résultats, elle les a obtenus sans même faire partie d’un programme élite, faute de moyens financiers. Charlie s’exprime sans filtre sur un enjeu souvent laissé dans l’ombre, celui de l’argent dans le ski.

« C’est une grande fierté d’avoir atteint à ce niveau avec moins de jours de ski et moins d’entrainement. Je suis très fière de démontrer que ce n’est pas impossible de performer avec moins d’argent et avec des programmes qui coutent moins chers », affirme la skieuse. Contrairement à la majorité des autres skieurs de son âge et de son niveau, Charlie ne provient pas d’une équipe d’élite. Jusqu’à tout récemment, elle faisait partie du programme régulier au Sommet Saint-Sauveur.

La EDLS, l’équipe Élite de la division laurentienne du ski, avait pourtant repéré le talent de la jeune prodige. Depuis qu’elle a 13 ans, Charlie est invitée à rejoindre ce programme. « Mais au niveau financier, c’était plus difficile. Et au niveau de l’entraînement, j’avais des bons entraineurs à la montagne. J’étais satisfaite avec ce que j’avais », indique l’étudiante de 4e secondaire à l’Académie Lafontaine.

Plus de 35 000 $ par année

Charlie a obtenu une médaille d’argent au super-G, aux Jeux du Canada.

Pour assurer la suite de sa progression, Charlie a maintenant rejoint la EDLS. La skieuse a d’ailleurs commencé à s’entrainer avec sa nouvelle équipe le 24 avril dernier. Ce programme permet d’avoir accès à plus d’entrainements et à plus de jours de ski. Il offre également plusieurs camps d’entrainement à l’extérieur du pays. Quelques jours après la fin des classes, Charlie s’envolera justement en Europe pour un premier camp. Un deuxième aura lieu au Chili, à la fin de l’été.

Ces opportunités ont toutefois un prix. Cette année, la famille prévoit débourser plus de 35 000 $ pour que leur fille poursuive le ski à son niveau. En comparaison, lorsque Charlie évoluait au Sommet Saint-Sauveur, le montant annuel, incluant les entrainements, les courses et l’équipement, s’élevait entre 7 000 et 8 000 $, souligne la mère de l’athlète, Julie Valiquette.

À sa prochaine saison, Charlie tombe dans la cour des grands. Elle évoluera dans la catégorie U18, au sein de la Fédération internationale de ski (FIS). Les coûts de base pour s’inscrire au programme FIS de la EDLS sont de 30 500 $. Ça comprend notamment les camps d’entrainement et les frais de course. « Mais on n’a pas les skis et ça prend au minimum 5 à 6 paires », souligne Julie Valiquette. Ça ne comprend pas non plus l’entretien de l’équipement, les bottes, le casque, les soins en cas de blessures ou les suivis personnalisés avec des experts comme des phytothérapeutes ou des psychologues sportifs.

« C’est un gros défi », dit Charlie au sujet de l’enjeu financier. « Il y a beaucoup de gens qui m’aident et je prends toute l’aide qui passe. » Jusqu’à maintenant, elle a réussi à accumuler 15 000 $ en commanditaires.

« On n’est pas dans le même monde »

L’été, Charlie avait déjà pris l’habitude de travailler plus de 50 heures par semaine à l’usine, chez Plaisirs Gastronomiques, pour aider à payer ses saisons. Cet été, tout l’argent qu’elle amassera ira également au ski. « C’est possible que j’aille aussi à l’école pour me faire créditer un cours. Si je peux, je voudrais travailler trois jours par semaine à l’usine pour équilibrer ça avec mon école et les entrainements », explique la jeune athlète.

Dans son entourage, Charlie est un cas atypique. Autour d’elle, peu d’autres skieurs travaillent, constate-t-elle. « On n’est vraiment pas dans le même monde. Quand je leur parle de soucis financiers, on me dit de trouver des commanditaires. C’est aussi simple et banal que ça », raconte la skieuse. « Ça devient de l’élite financière », affirme sa mère. « Rendu à sa catégorie d’âge, tu as un bassin d’athlètes dont les parents sont hyper fortunés. C’est la petite pauvre du ski. »

L’argent a des impacts concrets 

Avec sa quatrième position aux Jeux du Canada, Charlie s’était qualifiée pour une des courses les plus prestigieuses de sa catégorie d’âge, en Suède. Mais ça lui coûtait 6 000 $ pour trois jours. Elle a préféré garder cet argent pour sa prochaine saison. « Je l’ai mérité ma place en Suède, mais je n’ai pas pu y accéder parce que je n’ai pas les moyens », déplore la skieuse. « Ce que je trouve anormal, c’est que tu te qualifies pour une course et que tu représentes le Canada, mais que le Canada ne paye même pas pour t’envoyer là-bas », ajoute Julie Valiquette.

Grâce à sa quatrième place aux Jeux du Canada, Charlie s’était qualifiée pour une course en Suède.

Au final, l’argent finit par influencer les performances et l’évolution des skieurs. « Tu as beau travailler le plus fort, être le plus en forme, si tu n’as pas l’équipement ou le terrain pour t’entraîner, tu ne peux pas atteindre un certain niveau de performance », indique Charlie. Des jeunes avec énormément de potentiel doivent abandonner, faute de moyens financiers. En plus, gagner sa vie dans le ski est « extrêmement difficile », souligne la skieuse de 16 ans. À moins d’être un athlète d’exception, rares sont ceux qui vivent dans le luxe.

En toute humilité 

Charlie Houde est extrêmement reconnaissante de son cheminement. Son parcours et l’humilité qu’elle en retire pourraient même lui servir, pour la suite de sa jeune carrière. « C’est une expérience de vie que je suis fière d’avoir », souligne-t-elle. « Je suis habituée de travailler fort, d’être sous pression, justement avec mon argent, et de bien planifier mes choses », dit-elle.

Elle est maintenant prête pour de nouveaux défis. La prochaine saison, sa première dans la Fédération internationale de ski, sera d’ailleurs déterminante dans la suite de son parcours. À l’issue de sa première année, elle devrait normalement savoir si elle pourra être sélectionnée sur l’équipe du Québec. « C’est un rêve de petite fille que je souhaite accomplir », affirme Charlie.

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