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Réparer les vivants

Par Frédérique David

Et si Poutine avait été une femme? Aurait-elle eu l’audace d’attaquer ses frères, ses soeurs? Aurait-elle eu l’ombre de l’idée d’enlever la vie à des enfants, elle qui les met au monde dans la souffrance? Se serait-elle vraiment souciée de la puissance de son pays en faisant fi de la liberté de ses semblables, de leur bien-être, de leur bonheur, de leur vie?

À l’aube de la Journée internationale des femmes, célébrée le 8 mars, et alors qu’à peine 10% des chefs d’État du monde sont de sexe féminin, force est de se demander s’il ne devrait pas en être autrement. Avec les tragédies qui se succèdent dans l’actualité, il serait grand temps de songer à déconstruire le règne des « boys club » qui sont omniprésents dans les sphères importantes de notre société, comme le rappelle la professeure et autrice Martine Delvaux, dans son brillant essai qui porte ce titre. Il serait temps de donner aux femmes un rôle plus important que celui de Schtroumpfette, ne revendique-t-elle, dans ces cercles fermés d’hommes blancs, bien nantis et hétérosexuels qui prennent des décisions entre eux sans tenir compte de ceux qui ne font pas partie de leur groupe fermé et qui n’y retrouvent d’ailleurs aucune de leurs valeurs, aucune de leurs aspirations.

Qu’ont en commun la Nouvelle-Zélande, la Norvège, la Finlande, l’Islande? Ces pays sont tous gouvernés par des femmes et plusieurs se sont hissés en tête des palmarès de ceux qui ont le mieux contrôlé la pandémie de Covid-19. Parce que pendant que des Bolsonaro, des Trump, des Boris Johnson ou des Poutine prenaient des décisions dictées par leur ego masculin, des femmes gouvernaient dans l’humilité, la collaboration et la compassion. Elles auraient, selon le juriste Peter Huang, de l’Université du Colorado, été plus enclines à reconnaître leurs limites et à consulter des experts. Là où un dirigeant masculin veut du pouvoir et de la performance, une femme leader veut de l’empathie, du bien-être et de la dignité humaine. Et c’est de cela que nous aurions tant besoin aujourd’hui. Combien de pandémie et de guerres faudra-t-il pour remettre de la bienveillance dans nos décisions, pour considérer l’humain dans toute sa beauté et sa fragilité avant de se soucier de performances?

Où étaient les femmes pendant que les boys club de ce monde prenaient les décisions les plus insensées? Elles étaient au front, en santé, en éducation et en travail social notamment. Car aujourd’hui encore, les métiers du care, qui sont d’ailleurs les moins bien rémunérés, sont majoritairement occupés par des femmes. Et pendant que des hommes osent mettre en péril le droit à l’avortement, des femmes prennent par la main leurs enfants malades. Depuis le début de la pandémie, des femmes se mobilisent comme jamais sans chercher aucune reconnaissance pendant que des hommes d’État se pavanent devant les caméras et se disputent le pouvoir comme dans un jeu vidéo. « Le plus souvent dans l’histoire, anonyme était une femme », écrivait Virginia Woolf.

Ce sont elles aussi qui ont porté la charge mentale la plus lourde dans les foyers. Et comme si ce n’était pas assez, ce sont encore elles qui sont les plus grandes perdantes de la pandémie, comme l’a souligné le Conseil du statut de la femme : détresse psychologique, exposition au virus, violence conjugale et pertes d’emplois ne sont que quelques exemples.

L’éducation bienveillante est investie principalement par des femmes. Parce que la femme se soucie de l’humain, pas des armes de destruction massive, elle se préoccupe du bien-être d’autrui, pas de la grandeur du territoire où il vit, elle est tournée vers l’autre, pas vers son pouvoir, sa puissance, sa performance. Elle veut célébrer la vie, pas faire la guerre.

Il faudra des femmes pour changer le cours de l’histoire et y semer de l’espoir. Il faudra plus de femmes au pouvoir, parce que nos vies comptent. D’ici là, malheureusement, il faudra des femmes pour réparer les vivants.

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