Brigitte Alepin, professeure en fiscalité, département des sciences comptables à l’UQO.
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Les riches devraient-ils payer plus d’impôt pour aider à financer la crise ?

Par Journal-le-nord

– Une initiative de l’UQO en collaboration avec Amyot Gélinas

Alors que les dettes du Canada et des provinces atteignent des sommets historiques, cette question devient de plus en plus pertinente : Devrait-on exiger des riches qu’ils payent plus d’impôt pour nous aider à surmonter cette crise ?

Selon les plus récentes données de Statistique Canada, en 2018, les 278 050 individus dont les revenus annuels étaient les plus élevés (en moyenne 600 000 $) avaient un taux d’imposition effectif de 31,7 %. Bien que le taux d’imposition « théorique » applicable aux mieux nantis soit d’environ 50 % au Canada, leur taux d’imposition « effectif » est substantiellement moins élevé, notamment parce qu’ils profitent de généreuses déductions et de crédits d’impôt, et que leurs revenus sont souvent composés de gains en capital et de dividendes, moins lourdement imposés que les autres sources de revenus.

Si les Canadiens estiment que ces contribuables devraient être assujettis à un taux d’imposition effectif supérieur à 31,7 %, il faut songer aux façons d’y arriver. Plusieurs options peuvent être envisagées comme un impôt sur la richesse ou un impôt minimum selon un taux jugé satisfaisant par les Canadiens.

À cela, on peut ajouter des idées moins fréquemment discutées sur la place publique comme une taxe verte et un rehaussement de l’obligation à décaisser pour les fondations privées de charité dont les mieux nantis sont souvent les fondateurs.

Les initiatives actuelles de tarification du carbone visent principalement les entreprises alors que les émissions mondiales sont surtout attribuables à la consommation des individus, en particulier des mieux nantis. Or les nouvelles technologies permettent maintenant de calculer l’empreinte carbone de chacun, et la taxation des individus devient ainsi une avenue à considérer. Une taxe sur les gaz à effet de serre (GES) chez les individus mieux nantis aurait plusieurs mérites : respect du principe du pollueur payeur, progressivité, possibilité de cibler les plus importants émetteurs et outil de sensibilisation.

En Amérique du Nord, les fondations de charité privées ont accumulé jusqu’ici une richesse estimée à 1 000 milliards de dollars (US). Même si des besoins urgents ne sont pas comblés face à la crise de la COVID-19, la plupart de ces fondations persistent à ne consacrer qu’une infime partie de leur actif à la charité et leur richesse continue de fructifier chaque année. Au Canada, leurs fondateurs peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt qui excède 50 % du don dans plusieurs provinces et la fondation peut investir cet argent en franchise d’impôt… pour l’éternité. Ce système n’est pas un bon deal pour les Canadiens et il doit être révisé, surtout en temps de crise, pour obliger ces fondations privées, principalement subventionnées par l’argent des contribuables, à débourser davantage chaque année en faveur de la charité.

Une chose est certaine : si les Canadiens estiment que les mieux nantis doivent payer davantage d’impôt, on ne peut pas tarder pour mettre en place des solutions parce qu’avant de demander aux autres contribuables déjà essoufflés par cette crise d’en payer davantage, il faudra leur assurer que notre système fiscal est juste et que les mieux nantis paient leur juste part d’impôt.

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