Ça coûte cher mourir

Par Mimi Legault

L’idée de cette chronique m’est venue parce que quelqu’un de la famille venait de s’informer dans la paroisse de notre ville natale combien cela coûtait d’enterrer au cimetière familial un proche récemment décédé. 350$, répond la secrétaire. M’mande pardon? Il n’y avait pas lieu de commander les services d’une pépine, il s’agissait d’une simple urne. 350$, lui répéta-t-on… Mais… Il n’y avait pas de mais… Aie chose, passe-la moi ta pelle! Deux, trois p’tits coups et l’affaire serait ketchup! Ces dernières phrases sont de moi, évidemment. Quand même, je n’en reviens pas. C’est ce que je nomme pour l’Église catholique, un trou d’un coup!  Et pour moi, un trou dans le budget. À l’autre bout du fil, la secrétaire de la fabrique devait être morte de rire, c’est bien le cas de le dire. Moi, ça m’a donné le goût de prendre la mort aux dents. Mais avait-on le choix?

Sûrement que l’administration du cimetière en question a augmenté le prix du creusage de trous pour éviter qu’eux-mêmes soient dans le trou. Et ce, en raison de l’augmentation du coût de la vie!

Alors là, je ne vous parle pas des pré-arrangements funéraires. Mourir désormais, c’est pour les bien nantis. Ça coûte combien le trajet en taxi pour se rendre au ciel? Parce que l’essence même de la vie présentement, c’est de pouvoir justement la payer! Finalement, peu importe où je me retrouverai après ma mort, j’ai des amis des deux côtés qui m’attendent.

J’ai décidé de contourner presque tous les frais. À mon décès, mettez mes cendres dans un pot Masson. Comme musique, un petit tam tam en poil de gazelle, pas de sandwichs pas de croûtes. Un shooter de vodka, peut-être deux. Le discours, ce sera pour les asticots : on fera des vers ensemble. Je me sens poète, pouet pouet, dit rapidement…

Dans ma ville d’où je suis issue, l’entrepreneur de pompes funèbres s’était créé un personnage haut en couleur. D’abord, il devait bien mesurer six pieds et davantage, et pas loin de 400 livres. Je n’exagère pas. Imposant, le bonhomme. Lorsque dans l’allée de l’église, il avançait suivi du cercueil, il portait un chapeau haut de forme, un veston queue-de-pie, un pantalon rayé gris. De-la-classe! J’étais toujours impressionnée par ce grand monsieur. Dans ma tête d’enfant, j’en avais conclu que tous les entrepreneurs de pompes funèbres devaient avoir cette apparence, mais lorsque l’une de mes tantes décéda à Saint-Jérôme, j’ai vite désenchanté quand j’avais aperçu le croque-mort : un p’tit monsieur à peine plus haut qu’une virgule s’avancer dans l’allée de l’église. J’étais aussi déçue qu’un enfant à qui on présente un morceau de brocoli comme collation! En tout cas.

Quand j’entends le prix que ça coûte pour mourir, les deux bras m’en tombent. Et ça coûte un bras! Vous me suivez? Il m’en reste un autre pour leur faire un droit d’honneur! Bon, ce n’est pas une raison pour aller s’étendre sur le boulevard Métropolitain.

Faut juste penser à la personne aimée qui s’en va; on a un uppercut au cœur, un poignard dans la poitrine, la lame à l’œil et l’air taciturne. Il y en a qui flambent leur vie par les deux bouts, ça aide pour l’incinération. Ou qui vivent assez vieux et assez sourds pour ne pas entendre leur dernière heure arriver. Gardons en mémoire qu’aussi haut placé que l’on puisse être dans le rang de la société, on finit par des cendres. 

Personnellement, j’ai l’intention de vivre éternellement et jusqu’ici, ça se passe assez bien. Je demeure tout de même réaliste. Cette pensée de Philippe Géluck : puisqu’il faut bien un jour pousser son dernier soupir, autant que ce soit le jour de son anniversaire. Au moins, ça peut aider à éteindre les chandelles.

Alors, je vais vous donner un bon conseil : à cause de l’inflation, de grâce, ne mourez pas cette année, vous m’en serez éternellement reconnaissante!

Si vous décidez de passer à trépas (parfois, il n’y a qu’un pas…),  j’ai au moins une bonne nouvelle pour vous : les maisons funéraires sont bien accommodantes, elles sont ouvertes à l’année pour cause de mortalité!

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