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Liberté et conséquences

Par Daniel Calvé

Chronique d’un X

 

Je ne comprends pas que cet évènement n’a pas soulevé plus d’indignation, malgré une couverture médiatique locale et nationale la semaine dernière. Il me semble que des enseignants d’une école secondaire de chez nous, qui envoie une mise en demeure à quatre étudiants pour atteinte à la dignité et à la réputation, et qui sont prêts à aller en cour, ce n’est pas tous les jours qu’on voit ça.

Selon les informations rapportées, on comprend que le plus vieux des quatre Dalton aurait eu l’idée d’aller se balader au Carrefour du Nord pour faire imprimer des chandails avec dessus : le nom d’un enseignant, la face d’un autre, et le verbe « suce » juste en dessous – du grand art. Le jeune de 18 ans et ses trois complices mineurs se seraient ensuite baladés dans le centre commercial, affichant fièrement leurs créations, pendant qu’un ancien élève qui passait par là les prenait en photo. La connerie se serait poursuivie à l’école, alors que les quatre zigotos portaient lesdits chandails, dissimulés en dessous de ceux requis par l’école. Ils auraient finalement été suspendus trois jours, et hop, on passe à autre chose.

Sans surprise, la commission scolaire n’a pas fait de commentaires. « Les élèves et les profs sont protégés, la violence et l’intimidation sont des mythes, à moins que vous parliez de marginalités non fondées, car il n’y a qu’à regarder briller nos belles statistiques dorées, vous verrez que c’est la vérité et rien que la vérité, c’est juré ! ».

Est-ce qu’il y a quelqu’un quelque part qui va se responsabiliser et se lever un moment donné pour dire « c’est assez, on a un problème sérieux et on va le régler » ? Ou on va attendre que quelqu’un se fasse quasiment tuer ou tente de se suicider ? Le pire, c’est que c’est déjà arrivé.

Juste un symptôme

Pour moi, cette situation n’est que le symptôme d’une maladie immensément plus grave. C’est le prodrome d’une société qui a perdu ses points de repère et oubliée le mot courage, une où le respect s’est totalement atrophié à force de ne pas l’avoir suffisamment exercé. Est-ce que ça prend une commission menée par des postdoctorats et 17 études empiriques pour réaliser que « Bonjour, madame, monsieur, vous, s’il vous plaît, et merci » ça ne devrait pas être une option dans les lieux d’éducation aujourd’hui ?

Tout le monde est partiellement responsable de cette dérive collective. Quand j’entends des parents qui ont poursuivi une commission scolaire ici au Québec, parce que la direction d’école a confisqué le téléphone de leur chérubin, je me dis que j’ai manqué un bout. Même chose quand les médias rapportent qu’un autre enseignant s’est fait physiquement tordre le bras pour avoir enlevé le cellulaire d’un élève de sa classe, je n’ai plus de mots.

Donner l’exemple

Objectivement parlant, c’est vrai dans l’autre sens, et il y a aussi de réels cas de dérapage parmi le personnel scolaire. J’ai souvenir d’un cas rapporté où un technicien en éducation spécialisée, censé protéger les enfants, avait plutôt l’habitude de les ridiculiser devant leurs pairs, sous la douillette complicité d’une direction d’école qui concluait plutôt à une approche « un peu spéciale, mais tolérée ».

Voyez-vous, je ne connais aucun être humain qui vient au monde avec un comportement intimidant ou violent, il l’apprend et le développe. Un adulte en autorité qui intimide, banalise l’intimi-dation ou n’intervient pas immédiatement dédouane le phénomène. Quand plusieurs politiciens font la valorisation outrancière des réseaux sociaux, plateforme qu’ils utilisent pour se refaire l’ego du portrait, ou intimider à souhait sous le label d’un sceau présidentiel, ils mettent la paix sociale en tutelle.

Je ne sais où l’histoire de la poursuite va aller avec les quatre jeunes, mais j’espère que peu importe l’issue, elle fasse jurisprudence. Je souhaite que cet évènement serve de leçon et de levier à une prise de conscience essentielle, élargie et consensuelle : ta liberté s’arrête ou la mienne commence, tu es responsable de ton propre comportement et tes gestes ont des conséquences – Il est grand temps de dépoussiérer les vertus de la civilité.

Jean-Claude Tremblay

jctremblayinc@gmail.com

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