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Les guignoleux

Par Daniel Calvé

Chronique d’un X

 

Nous sommes à l’aube des festivités, c’est une période de l’année où l’on rivalise d’ingéniosité pour obtenir votre attention, le temps de vous offrir le paradis sans paiement ni condition. Loin est l’époque où les joyeux guignoleux inspirés de l’ancienne Gaule passaient de maison en maison dans les rangs, en chantant et en dansant afin de recueillir vêtements et nourriture pour les pauvres gens !

Selon L’encyclopédie de l’Agora, la guignolée est une dérivation de « au gui l’an neuf », mots prononcés par les druides lors de la cueillette du gui. On y apprend que le gui, cette plante sacrée pour les Gaulois, était un symbole d’immortalité puisqu’elle demeurait bien verte sur les chênes plutôt sombres quand venait l’hiver. Qu’à cela ne tienne, la tradition existe peut-être encore sous une autre forme, mais je suis toujours fasciné de constater que chaque année, les demandes de denrées doivent rivaliser et avec les publicités qui incitent à se procurer la toute nouvelle télé HD.

C’est peut-être juste moi, mais cette dichotomie sociale, celle où l’on nous présente un à la suite de l’autre, et sans gêne, des messages publicitaires aux extrêmes de l’axe « pauvreté-richesse » me rends mal à l’aise. Je parle de ces30 secondes de pub dans lesquels on nous explique que des familles de chez nous n’ont pas de quoi se nourrir, et des 30 subséquentes où l’on se sent presque mal de ne pas conduire la dernière voiture de luxe. Généralement, on peut aussi entendre peu de temps après, une pub de syndics de faillite qui nous rappellent à quel point ils sont là pour nous aider avec nos dettes.

Les Québécois prévoient dépenser davantage cette année

Un gros 503 $ de dépenses pour la période des fêtes pour être exact. « Doit-on rompre avec nos traditions pour éviter l’endettement ? » titrait TVA Nouvelles. Quelle question fataliste et saugrenue, comme si dépenser jusqu’à ce que mort du crédit s’en suive était une tradition ancestrale. La surconsommation est un phénomène relativement récent et il ne faut quand même pas tout mettre dans le même panier. Entre un jouet en bois fabriqué par le grand-père et 500$ de « cossins » en dessous du sapin, il me semble qu’il y a un juste milieu et qu’on s’est grandement perdu en chemin !

Environ 49 % des Québécois stressés par le magasinage des Fêtes

C’est ce qui ressort d’un Sondage Léger commandé par le Conseil canadien du commerce de détail. Je n’ai même pas de commentaires à faire tellement je suis par terre. Par contre, je vais vous partager ce que j’ai lu pas plus tard qu’hier sur les réseaux sociaux : « je suis maman mono parentale et perdue mon emploi – mon seul souhait est d’offrir à mes 3 enfants un repas spécial de noël pour qu’ils ne s’inquiètent pas, savez-vous où je pourrais avoir des dons de nourriture ? ».

Des messages similaires à celui-là, j’en ai vu des tonnes, de quoi brailler sa vie. Des pertes d’emploi, des maladies, du monde qui veut seulement se nourrir, d’autres qui veulent juste passer les fêtes en famille avant de mourir. Ça fait mal, c’est l’autre côté de la médaille, et c’est en plein dans notre cour, pour ne pas dire dans notre face. Disons qu’après ça, on devrait se garder une petite gêne avant de partager notre « stress de magasinage ».

Non, cette chronique ne se veut pas une apologie au « Grincheux qui voulait gâcher Noël », mais plutôt un appel à la pleine conscience, à la générosité, et à la solidarité humaine. Je ne dis pas d’arrêter d’offrir des cadeaux ou de s’empêcher d’acheter le dernier « i-machin ». Je dis juste de prendre conscience de ce qu’il y a aux alentours, et de garder en mémoire que l’acte de « guignoler » ne devrait pas arriver qu’une fois par année : c’est 365 jours que les gens ont besoin de nourriture, de chaleur humaine et de dignité. Dites-vous que le cadeau le plus important que vous ne pourrez jamais vous offrir est celui de donner à autrui – enseignez-le ensuite aux plus petits et vous aurez assurément une vie bien remplie.

 

Jean-Claude Tremblay
jctremblayinc@gmail.com

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