(Photo : Vu Juang Photography)
Kim Thúy a récemment publié son quatrième roman, Em.
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La chaîne du savoir selon Kim Thúy

Par Marie-Catherine Goudreau

Kim Thúy est une auteure québécoise, originaire du Vietnam. Ayant vécu quelques années de sa jeunesse dans ce pays en guerre pendant plus de 20 ans, l’écrivaine possède une toute autre vision de nos relations humaines.

En entrevue pour parler de son dernier livre Em qui vient tout juste de paraitre en librairie, Kim Thúy fait le lien entre la guerre au Vietnam et la pandémie. « C’est en temps de guerre qu’on aime le plus. Et nous l’avons vu, vécu, au printemps dernier. Soudainement, on a exprimé notre amour aux personnes âgées, alors qu’avant, on n’en entendait pas beaucoup parler. » L’auteur croit que c’est dans les plus grandes difficultés qu’on réalise à quel point on s’aime.

Un choix de société

J’ai demandé à Kim Thúy comment elle percevait la relation entre les générations, ici, au Canada. « On cherche l’efficacité et la productivité. On met les personnes actives ensemble, les jeunes ensemble, et les personnes âgées ensemble. Comme ça on peut avancer plus vite, on est plus efficace. Mais je crois que nous sommes plus faits comme une chaîne, et non par catégorie. »

Elle raconte que, dans son pays d’origine, les Vietnamiens croient qu’ils sont le résultat de leurs aînés. Si ces derniers ont eu une bonne vie, alors les plus jeunes en auront une aussi. « Tout est relié ensemble. Nous avons la responsabilité d’être des bonnes personnes pour la prochaine génération. »

Kim Thúy croit que sans cet accent sur l’efficacité et la productivité, le Canada ne serait probablement pas un des pays les plus riches, avancés et développés au monde. Mais pour elle, on perd autre chose de valeur.

Elle donne l’exemple du dictionnaire : « Aujourd’hui, quand on cherche un mot sur Internet, c’est très rapide, trois secondes. Quand on cherche dans un dictionnaire, c’est plus long, au moins trois minutes. Comme on ne tombe jamais directement sur le mot ou la bonne page, il faut regarder, découvrir les autres mots pour y trouver le nôtre. On ne réalise pas qu’on acquiert des connaissances pendant ce temps. On rencontre au moins trois nouveaux mots ! »

Il reste donc à choisir comment nous allons mesurer notre vie : selon l’efficacité et le temps ou les connaissances et les émotions ? Pour elle, il y a nécessairement un lien à faire avec la transmission du savoir par les aînés. « Parfois, cette transmission est longue. Ils vont nous raconter comment ils ont vécu la Deuxième Guerre mondiale ou comment ils ont vécu la crise d’Octobre 1970. Ça prend plus de temps que d’aller lire une page sur Internet. Mais on va gagner sur le côté humain : qu’est-ce qu’ils mangeaient, comment étaient les rues, comment ils circulaient, quel genre de peurs ils ont vécues. Ça, c’est le genre de choses qu’on ne retrouve pas sur Internet. » 

La sagesse des aînés

Et au Vietnam, quelle est la relation avec les aînés ? « On doit du respect absolu envers les personnes plus âgées, tout simplement parce qu’elles ont vécu plus que nous. Pour les Vietnamiens, la sagesse, c’est une personne qui a vécu une journée de plus que nous, et elle a nécessairement quelque chose à nous apprendre. Sur le chemin, elle est rendue plus loin, elle en a vu plus. Si elle dit : il y a un piège là, c’est parce qu’elle l’a vu avant, donc on l’écoute. On les considère comme des éclaireurs. »

Dans notre prochaine édition, Kim Thúy nous parlera de son nouveau roman Em.

« Em, c’est le fil qui relie les ouvriers des plantations de caoutchouc et les femmes des salons de manucure aux orphelins de l’opération Babylift, qui a évacué des enfants de Saigon en 1975. Em, c’est celle qui aime. »

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