Les jeunes étudiants, une génération consciente et résiliente
Par Journal-le-nord
« Les adolescents sont la population pour laquelle le confinement va le plus à l’encontre des besoins, étant donné qu’ils sont dans un moment charnière de leur vie où ils développent leur identité, leur personnalité et leur autonomie. C’est probablement le groupe le plus affecté par les circonstances et ce sont ceux dont on parle le moins », soulignait Kristel Tardif-Grenier, une chercheuse de l’UQO de Saint-Jérôme, dans un article publié le 6 mai dernier dans notre journal.
Les adolescents sont-ils les grands oubliés de la crise? Danaé Langlois (15 ans), Edward Ferron (17 ans) et Daphné Bergeron (18 ans) nous parlent de leur vision de la pandémie et du confinement. Les trois jeunes étudiants, de par leur prise de parole, établissent le portrait d’une génération à la fois réfléchie, optimiste et résiliente vis-à-vis la crise actuelle.
Un monde qui s’écroule
Danaé Langlois est âgée de 15 ans et est présentement en 4e secondaire à la Polyvalente de Saint-Jérôme. Étant une personne passionnée de l’écriture, elle a choisi de mettre sur papier ses émotions le 14 mai dernier, dans le simple but de s’évacuer l’esprit. De fil en aiguille, son cri du cœur a été utilisé dans une chronique de Patrick Lagacé.
« Je faisais 20 heures de gymnastique par semaine avant, et du jour au lendemain, j’ai été coupée de toutes mes activités et de tous mes amis », nous explique la jeune étudiante en entrevue le 20 mai dernier. « Depuis un certain moment, je me sentais un peu seule, sans vraiment de stimulation », raconte celle qui fait de la gymnastique depuis qu’elle a 2 ans et n’a jamais été séparée de son sport.
Danaé souligne s’être sentie oubliée, alors que tout son monde – l’école, les amis, son sport – s’est écroulé autour d’elle en l’espace de quelques jours et ce, au péril de la santé mentale des jeunes. « Depuis que je suis petite, c’était une habitude d’aller à l’école, et le soir j’allais à la gym. C’était ma vie et maintenant que je ne l’ai plus, je me rends compte à quel point c’est important et c’est ce qui me rendait heureuse. »
La mère de Danaé, Julie Bourbonnais, a été surprise de voir à quel point la situation affectait sa fille. « Ça m’a donné un choc total », affirme-t-elle. « Je savais que ça commençait à jouer sur son moral, mais quand elle l’a exprimé dans sa lettre, j’ai vraiment compris que c’était très important pour elle. »
L’école de la vie
Edward Ferron, 17 ans, est en dernière année à l’Académie Lafontaine et se préparait à vivre ses derniers moments au secondaire. « En ce moment, j’ai l’impression que ce n’est pas réellement fini », reconnait-il. « Il n’y a pas de dernière journée en autobus avec mes amis. À la fin de chaque année, nous sortions pour aller manger au restaurant. Ça non plus, nous ne l’aurons pas. »
L’école lui manque et il réalise la place qu’elle occupe dans sa vie. « L’école, c’est tellement plus que des devoirs ou des travaux. Tous mes amis vont à l’école; c’est la base de ma vie sociale ». Le finissant fait aussi partie d’un équipe sportive de volleyball à l’Académie Lafontaine, un groupe dont il s’ennuie tout autant.
Malgré tout, il profite des enseignements à distance afin de se préparer à sa rentrée de l’automne au Collège André-Grasset qui risque de se faire partiellement à distance. Edward compte poursuivre ses études, peu importe les circonstances, mais il espère tout de même que l’enseignement se poursuivra bientôt au sein même des établissements d’éducation. « C’est certain que ça aiderait les jeunes à avoir de meilleurs notes et à être plus heureux, parce que la santé mentale aussi, c’est important. »
D’ailleurs, cela faisait déjà deux ou trois ans qu’il prévoyait partir vivre à Montréal pour le cégep et craint à présent de ne pas pouvoir vivre tous les rites de passage qui accompagnent la transition entre le l’adolescence et le monde adulte. « J’avais vraiment hâte; ce sont de nouvelles expériences. […] Au cégep, c’est comme une transition avant l’université et le monde adulte. C’est certain que ça me manquerait de ne pas vivre certaines expériences. »
Les limites de l’enseignement à distance
Daphné est âgée de 18 ans et en est à sa deuxième session au Cégep de Saint-Jérôme. Alors qu’elle avait débuté la toute première en sciences humaines, elle a changé de programme pour se rediriger vers la technique de l’éducation à l’enfance lors de sa seconde session, elle qui souhaite devenir enseignante au primaire. « Comme c’est ma première session dans mon programme, je trouve ça difficile de m’adapter aux nouveaux enseignements à distance », souligne-t-elle, en ajoutant qu’un certain manque de motivation se fait parfois sentir. Malgré tout, Daphné reconnaît s’être adaptée rapidement à cette nouvelle situation tout en continuant de travailler au IGA de Sainte-Adèle. Elle est confiante que l’on pourra s’accommoder à de nouvelles réalités.
La semaine dernière, l’étudiante a reçu la confirmation que certains cours se feront à distance lors de la session d’automne au cégep. « Je m’y attendais, mais je crois que je vais trouver ça très dur parce que c’est difficile de s’enseigner à nous-mêmes lorsque nous avons des professeurs qui déposent la matière sans explication. C’est certain que ça me stresse beaucoup. Je ne suis pas une élève qui excelle à l’école; je me débrouille, mais je ne suis pas première de classe. Donc c’est certain que ça me fait peur. Mais je suis bien entourée et je pense que je vais être en mesure de me débrouiller. »
Une génération reconnaissante?
« Dans notre vie, nous prenons tout pour acquis. Dans un sens, tout nous est dû. Mais nous réalisons que nous sommes vulnérables; dès qu’on nous empêche de vivre librement, c’est le monde à l’envers, nous sommes en quelque sorte démunis de nos moyens. Je souhaite donc que nous prenions conscience de la vie en général, que nous soyons reconnaissants de ce qui nous arrive de positif, ou même de négatif », affirme Daphné au sujet des prises de conscience qui accompagnent cette période chamboulée. « Les jeunes, nous pensons souvent au futur. Nous envisageons ce que nous allons faire et je trouve que parfois, c’est toxique dans un certain sens puisque nous nous mettons des idées dans la tête et si nous n’y arrivons pas, nous sommes déçus et nous pensons que nous avons échoué. Il faut aussi simplement profiter du moment présent et ne pas laisser passer d’opportunités, si elles se présentent. »
« Je pense vraiment que la situation peut amener du positif. Justement, c’était rendu une habitude d’aller à l’école et faire du sport. Mais étant donné que nous l’avons perdu du jour au lendemain, cela nous a appris à quel point c’est important. Nous allons prendre conscience que tous les petits moments que nous prenions comme étant acquis et normaux, ils sont en fait très importants et cela va nous suivre toute notre vie », conclut pour sa part Danaé Langlois.