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Lettre de rupture à Dino

Par Mimi Legault

N.B. Ma chronique relate un fait vécu; par contre, les personnages et les circonstances ont été changés. J’ai choisi la voie de l’humour pour désamorcer le sérieux problème de la violence conjugale.

Ne sois pas surpris en arrivant à la maison de la trouver presque vide. Ne cherche surtout pas ton vieux canapé. Même l’Ouvroir n’en a pas voulu. Je sais, je sais, le sofa et toi aviez une relation spéciale. Alors, il est rendu au recyclage.

La pandémie m’a fait beaucoup réfléchir sur notre vie de couple. Après 13 ans, 4 mois et 5 jours, nous étions devenus deux célibataires mariés. Comme tu vois, je prends mes torts, dont celui d’avoir enduré tes propos machos trop longtemps, tes farces de cul (avais-tu remarqué, tu étais le seul à en rire. Et puis, quand on parle de cul, on parle rarement du sien…) ce qui était particulièrement ton cas.

Je te laisse, Dino. Toi si fier et si orgueilleux, comme tu as changé! Si suce-la-cenne aussi (ou baise-la-piastre, c’est comme tu veux). Je devais te donner toutes mes payes en pensant que c’était toi l’homme d’affaires. Tu avais tellement soif d’argent que tu as marié une gourde. C’est-à-dire, moi. Mais la pas-fine vient de se réveiller. Tu vas être fier de moi parce que j’ai trouvé un moyen de faire encore plus d’argent : marketplace! J’ai vendu le lave-vaisselle (tu ignorais comment il fonctionnait), le tracteur à gazon (7 000 pieds carrés de terrain…), l’aspirateur (nous ne sommes que poussière), le BBQ dont tu te servais trois fois par été. J’ai dû me résoudre à jeter ton équipement de hockey. Personne n’en voulait. Je suis allée porter toutes tes chemises et tes complets dans une friperie, tu as pris 20 kilos pendant la COVID-19.

Mon estime de soi était rendue comme un thermomètre l’hiver, en bas de zéro. Par contre, rien de trop beau pour toi!

De mon côté, j’usais mes guenilles en fermant ma gueule. Tu ne voulais pas d’enfant parce que ça coûtait trop cher! Je sais que tu aurais voulu que je retourne chez ma mère, mais j’ai plutôt pensé à l’inviter à venir rester avec toi pour ne pas que tu souffres de solitude.

Je ne croyais pas que j’étais une femme qui goûtait à la violence conjugale. T’étais un subtil, mon Dino. La violence verbale, c’était ton fort. Sauf que vendredi dernier, tu es allé trop loin. Est-ce toi qui disais au début de notre relation qu’il ne fallait jamais battre une femme même avec une fleur? Tu as pris carrément le vase pour me le lancer par la tête! C’était trop. Je te quitte pour de bon. Je vais te dire une bonne chose : j’avais les oreilles en chou-fleur de t’entendre dire aux amis que tu étais un as au lit! Même pas foutu d’être un deux de pique. Je croyais marier un chêne, j’ai trouvé un gland. Tout ce que tu pouvais faire venir, c’est une pizza. Mon pauvre Dino.

Te souviens-tu du sac à main que je désirais tant m’offrir? Eh bien, cette fois ça y est! Je l’ai acheté. C’est vrai que c’est grâce à ta collection de verres à bière que j’ai pu me le procurer. Je t’en remercie. Te souviens-tu un jour m’avoir dit de ne pas te laisser vivre dans un état végétatif? De débrancher les machines qui te maintiendraient en vie? Alors j’ai débranché ta chère télé, ton iPad, ton PlayStation, l’ordinateur et ton cell que tu laissais toujours traîner. C’est à peu près tout.

J’ai enfin compris qu’il y avait des êtres chers qui ne valaient pas grand’chose. Je chante peut-être faux comme tu me l’as souvent seriné, mais j’entends juste. À force de me faire dénigrer, j’ai fini par te croire. Je sais aussi maintenant qu’il y a des organismes pour les femmes battues psychologiquement. On m’a armée, donné des moyens pour m’en sortir.

Toi qui prenais tes vacances seul (en tout cas, c’est ce que tu me jurais…) je te propose de te rendre dans un endroit où tu n’es jamais allé ou presque. Dans la cuisine…

Adieu Dino, mon dino-saure…

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