Valérie Roberts : Post-partum : les hauts et les bas du quatrième trimestre
Par France Poirier
L’auteure Valérie Roberts a publié son livre Post-partum : les hauts et les bas du quatrième trimestre au mois de janvier. J’étais curieuse de lire ce livre, portant sur le quatrième trimestre et le post-partum. Ça m’a retourné plus de 30 ans en arrière alors que je devenais moi-même une maman.
L’arrivée d’un enfant apporte de grands changements. Mais est-ce plus difficile quand on se crée des attentes et que finalement, rien ne se passe comme on avait prévu ? Est-ce que les réseaux sociaux ont une influence sur notre façon de voir la maternité, alors que les comparaisons sont faciles ? À l’époque où le congé parental existait à peine et qu’on retournait travailler après quelques mois, on plongeait sans trop se poser de questions. Était-ce mieux ?
Ce sont des questions qui ont alimenté les discutions dans notre équipe à la suite de ce livre. Je me suis moi-même demandée comment aurait été mon quatrième trimestre à l’ère des réseaux sociaux avec la pression dû à la performance qui est présente sur ces plateformes.
J’ai voulu en savoir plus en discutant avec l’auteure Valérie Roberts.
Entrevue avec l’auteure Valérie Roberts
France Poirier : Qu’est-ce que le quatrième trimestre ?
Valérie Roberts : Le post-partum, c’est toute la période après la naissance. Mais nous avons souvent l’impression que ça veut dire la dépression post-partum, parce que c’est souvent collé les uns sur les autres. Ça prouve qu’on ne connaît pas bien cette période. Il peut y avoir une période de dépression, mais il peut aussi y avoir d’autres événements, des émotions. C’est là-dessus que j’avais envie d’écrire, parce que mon quatrième trimestre a été très difficile. Une multitude de changements biologiques, neurologiques et hormonaux arrivent à cette période.
F.P. : Comment décris-tu ton quatrième trimestre ? À quel moment as-tu vu que ça n’allait pas ?
V.R. : Dès le départ, dans ma chambre d’hôpital, quand on m’a mis ma fille sur moi, post-césarienne. J’ai ressenti une grande anxiété, chose que je n’avais jamais vécue auparavant. Je trouvais qu’on venait de me mettre une grande responsabilité sur les épaules. Beaucoup plus grosse que ce que j’avais anticipée. J’avais peur de la perdre et je me disais que je ne devais pas trop m’attacher. Je ne pensais pas vivre cet état et ça m’a complètement déstabilisée. Les femmes n’en parlent pas. Aucune de mes amies m’a dit qu’elle avait eu de la culpabilité.
F.P. : En effet, c’est comme si elles avaient honte de ce qu’elles ressentent, puisqu’on leur a dit que ce serait le moment le plus beau de leur vie. Pour avoir vécu une césarienne d’urgence sous anesthésie générale, suivie de graves complications, je peux comprendre qu’on n’est pas dans la joie et l’allégresse. J’essaie d’imaginer si je m’étais mis en plus la pression de l’allaitement… Je ne sais pas comment j’y serais arrivée. Je n’avais même pas la force de donner un biberon.
Mais je n’en ai pas trop parlé. Ce n’est pas bien reçu dans la société quand ton expérience est négative. Déjà, avoir une césarienne alors que ça devrait être naturel, tu te sens à part, incompétente. J’ai tout de même récidivé et j’ai eu une deuxième césarienne, moins traumatisante que la première toutefois !
Quand tu as décidé d’écrire ce livre, c’était clair pour toi de faire témoigner d’autres femmes ?
V.R. : Ce qui me faisait du bien quand je vivais cette période et qui m’apaisait, c’était quand je parlais avec d’autres femmes. Des femmes qui avaient vécu une période difficile après la naissance de leur enfant. Je ne me sentais pas seule, je me sentais normale. C’était important de faire témoigner d’autres filles pour que ça apporte le même sentiment à celles qui allaient lire le livre. Ça fait toute la différence.
F.P. : À qui s’adresse ton livre ?
V.R. : Mon souhait le plus cher est que les femmes qui vont avoir un bébé le lisent afin de se préparer à ce qui pourrait arriver en lien avec les émotions qu’elles pourraient ressentir à la naissance de leur bébé. Aussi, aux futurs papas pour accompagner et mieux comprendre leur partenaire dans ce qu’elles pourraient vivre. Ils se sentent tellement impuissants. En ce moment, les témoignages que je reçois, ce sont des femmes qui sont en plein dans leur quatrième trimestre. Elles se sentent isolées et ça leur fait du bien de lire les expériences des autres.
F.P. : Est-ce que les professionnels de la santé mettent beaucoup de pression sur les nouvelles mamans ?
V.R. : Tellement, mais je suis certaine que ça part d’une bonne intention. Ils veulent que tout se passe bien, que la maman aille bien, que bébé aille bien. Il y a tellement de focus dans notre société mis sur le bébé qu’on oublie complètement la maman. On s’assure que la mère s’occupe bien du bébé, qu’elle le nourrit bien. On s’en fout un peu de ce qu’elle vit. Je pense qu’il faut prendre soin de la maman pour qu’elle soit bien disposée à prendre soin de son bébé. Je pense qu’on sous-estime l’impact de la santé mentale de la mère après son accouchement. Parce qu’elle a eu un bébé, c’est le miracle de la vie et c’est certain qu’elle va être heureuse, mais ce n’est pas toujours vrai.
F.P. : Parle-moi du petit livre que le système de santé remet aux futures mamans lors du premier rendez-vous : Mieux vivre avec notre enfant. Est-ce qu’on fait état du quatrième trimestre ?
V.R. : Dans le livre, il y a une page sur l’après naissance qui dit en gros : « Après la naissance, vous vivrez des émotions particulières qui s’appellent le baby blues. C’est une chute hormonale. Si ça dure trois semaines, ça veut dire que c’est une dépression post-partum. Allez consulter. » On ne parle pas du sentiment d’incompétence que la mère peut ressentir quand elle n’est pas capable de s’occuper de son bébé. Être en paix avec son corps selon ce que tu as vécu comme accouchement.
F.P. : Crois-tu que ton livre peut aider les futures mamans ou, au contraire, leur faire peur ?
V.R. : Des endocrinologues qui témoignent dans mon balado disent que les femmes enceintes ne sont pas prêtes à entendre ça. Leur cerveau n’est pas prêt. Je souhaiterais qu’elles le lisent et que ça les aident, mais comme elles ne sont pas dans cet état d’esprit, ça s’adresse peut-être plus à celles qui le vivent.
F.P. : Il y a beaucoup d’anxiété de performance dans le monde actuel et les réseaux sociaux contribuent sûrement à cette recherche de perfection. Est-ce que c’est plus présent aujourd’hui le post-partum ou on en parle juste plus ouvertement ?
V.R. : C’est différent. Je fais des entrevues depuis un mois. Je vais utiliser un stéréotype. Des messieurs plus âgés m’écrivent que leur mère, leur femme ont enduré tout ça, alors je devrais me la fermer. Je me demande : si ces femmes avaient pu parler, qu’est-ce qu’elles nous auraient dit ? Des femmes ont vécu 14 accouchements l’un après l’autre, avec des fausse-couches au travers ça. Puis, le curé allait cogner à sa porte pour qu’elle fasse d’autres bébés. Je pense bien qu’il devait y en avoir qui étaient en détresse. Mais il n’y avait pas d’espace pour pouvoir en parler.
Puis, la pression est forte avec les réseaux sociaux et on se compare. On voit une mère qui vient d’accoucher et qui porte son jeans pré-grossesse. J’aimerais bien savoir comment elle vit son quatrième trimestre !
F.P. : Quel conseil donnerais-tu à ta meilleure amie ou à ta soeur qui est enceinte ?
V.R. : Je lui dirais de s’informer, de lire là-dessus. De se donner le temps de devenir une mère. Ne pas vouloir tout faire en même temps. Il faut que tu vives chaque étape. Bien s’entourer et se donner du doux. Je pense ne pas se créer d’attente, parce qu’on ne sait pas comment ça va se dérouler. La société va te dire que c’est la plus belle chose qui va t’arriver. Alors si tu trouves ça difficile, tu penses que tu n’es pas normale. C’est confrontant quand tu ne ressens pas ce que la société te dit que tu vas vivre.
Aujourd’hui, Lucie, la fille de Valérie, a 2 ans et demi et ça se passe bien. « Ça m’aura pris deux ans à apprendre à devenir une maman », conclut-elle.
Le livre relate 14 témoignages de femmes qui racontent leur quatrième trimestre. La comédienne Léane Labrèche D’or parle de la culpabilité constante; l’humoriste Katerine Levac raconte le double défi comme maman de jumeaux; l’auteure compositrice interprète Mélanie Boulay du duo des Soeurs Boulay s’ouvre sur le sentiment d’incompétence; et Eli Rose, auteure-compositrice-interprète, revient sur la pression de l’allaitement. La psychologue Lory Zephyr, spécialiste en santé mentale maternelle, émet des commentaires dans le livre.