(Photo : Nordy)
La maison Gaffney-Kennedy, à Saint-Colomban, a presque 200 ans.
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Archéologie: Déterrer les secrets du passé

Par Simon Cordeau

Des morceaux oubliés de notre histoire collective se cachent peut-être dans la maison Gaffney-Kennedy et son site patrimonial, à Saint-Colomban. C’est pourquoi la Ville a mandaté l’entreprise Patrimonia Archéologie pour produire un avis de potentiel archéologique. Discussion avec l’archéologue Amélie Guindon, sur l’importance de fouiller notre passé.

La maison Gaffney-Kennedy, construite en 1823, est l’un des plus vieux témoins des premiers colons irlandais à s’établir sur le bord de la rivière du Nord, et de la communauté qui deviendra Saint- Colomban. Si des artéfacts se trouvent sous le terrain ou dans les bâtiments, la Ville veut les protéger. Mais avant de creuser, il faut d’abord évaluer le potentiel archéologique de l’endroit, explique l’archéologue.

Établir le potentiel

Le plus souvent, les services archéologiques sont nécessaires dans le cadre d’une étude d’impact environnemental. « C’est imposé à tout projet public ou d’envergure », précise Mme Guindon.

D’abord, on fait une recherche documentaire et cartographique, une évaluation du cadre naturel ancien, comme le relief, la nature des sols, la faune et la flore disponibles, etc. « À tout ça, il faut superposer les modes d’occupation du territoire », ajoute l’archéologue. Tout être humain qui s’installe quelque part, même pour une nuit, sélectionne un endroit et laisse souvent des traces. Un sondage du sol peut aussi être effectué.

Après cette première étude, les archéologues émettent des recommandations. Si le potentiel archéologique est faible ou inexistant, les travaux de construction peuvent commencer. Si le potentiel est plus élevé, un archéologue supervisera les travaux, pour intervenir si des découvertes sont faites.

« Cependant, si on tombe sur un inventaire très riche, cela peut soulever des questions de recherche intéressante », indique l’archéologue. C’est ce qu’on espère dans le cas de la maison Gaffney-Kennedy. Celle-ci pourrait alors nous révéler des secrets, grâce à une fouille plus poussée.

Fouiller notre passé

Que pourrait-on retrouver sur ce site patrimonial? « Cette maison est dans le patrimoine agricole, mais il est différent de celui de la région de Montréal. Là, on est vraiment dans un mouvement colonial et un village fondé juste par des Irlandais. Donc on parle d’une communauté et d’une langue particulière. Ce qu’on vient chercher, ce sont des objets du quotidien, consommés par les familles qui ont vécu sur ce terrain-là depuis 1823. »

La vaisselle utilisée, des objets de céramique, de métal ou de verre, les ossements d’un cochon qu’on aurait élevé puis mangé, du pollen, des graines, des matières premières traitées, même des fondations de bâtiment : tous ces artéfacts pourraient témoigner du quotidien des occupants, de leur statut social et économique, de leurs pratiques religieuses, de leurs coutumes, etc.

Mais ça, ce ne sont que les 200 dernières années environ, alors que les colons euro-canadiens, comme on les appelle en termes archéologiques, commencent à s’installer dans les Laurentides. Avant eux, les Autochtones occupaient le territoire depuis des millénaires. « La rivière du Nord, c’est l’ancienne route 117. Et dès qu’il y a un cours d’eau, il y a un potentiel archéologique autochtone, parce qu’on est à côté d’un lieu qui était fréquenté. »

Peut-être que, des siècles avant l’arrivée des colons irlandais, le même endroit était occupé par les Autochtones. « Si on retrouve des bouts de patte de cerfs de Virginie, par exemple, on sait que c’était un lieu d’abattage : un campement où on revient souvent et où on dépèce les animaux pour ramener seulement la viande », illustre Mme Guindon.

Redécouvrir notre histoire

« La documentation historique et la tradition orale permettent de nous rappeler. Mais souvent, on l’oublie, ça peut être détourné par des individus, des intérêts politiques, etc. Ce n’est pas toujours ce qui s’est réellement passé », rappelle l’archéologue qui habite à Sainte- Agathe.

Elle donne l’exemple des camps de bûcherons. « Dans l’imaginaire collectif, ce sont des hommes qui passent l’hiver dans un camp, sans leur famille et qui ne boivent pas d’alcool. Mais lorsqu’on fait des fouilles, on trouve plein de bouteilles, de l’alcool fait maison et parfois même des traces laissées par des femmes et des enfants. »

Mais ces fragments d’histoire peuvent être détruits par le temps ou perdus. « On est appelés à venir documenter des ressources archéologiques non-renouvelables et qui sont menacées de destruction. Si on n’est pas là, elles n’existeront plus. Mais on ne fait pas seulement de la sauvegarde. On construit un savoir, qu’on redonne à la communauté. »

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