« Une rupture de services » pour les personnes souffrant de troubles alimentaires
Par Journal-le-nord
Annie Aimée et Christophe Maïano, professeurs au département de psychoéducation à l’Université du Québec en Outaouais – Campus de Saint-Jérôme travaillent depuis trois ans à la direction d’un livre portant sur les troubles alimentaires, qui est paru lors de la journée mondiale de la sensibilisation aux troubles alimentaires, le 2 juin dernier.
Les troubles des conduites alimentaires – Du diagnostic aux traitements, regroupe la participation de plus de 60 auteurs provenant de plusieurs domaines tels que la médecine, la nutrition, la kinésiologie ou psychologie, mais également de plusieurs pays. « On voulait mettre à profit l’expertise de plusieurs personnes et à la fois, apprendre des spécialisations de chacun », explique Annie Aimée, codirectrice du livre. Ce dernier adresse le problème de A à Z, commençant par le diagnostic et allant jusqu’au traitement. Cet ouvrage collectif est par ailleurs le premier sur le sujet à être produit en français. Il s’adresse principalement aux intervenants en santé qui souhaiteraient avoir une approche plus sensible et adaptée aux personnes souffrant de ces troubles, selon Annie Aimée.
Les effets du confinement
Alors que le confinement est une période difficile pour plusieurs, la situation l’est d’autant plus pour les personnes vivant avec des troubles alimentaires, qui n’ont pas accès aux ressources dont elles auraient besoin. « L’intervention est plus complexe et même que pour certains, il n’y en a plus actuellement puisqu’elle ne peut pas être maintenue. Il y en a pour qui c’est très important de voir leur intervenant en personne, c’est une question de préférence. Il y a même des craintes chez certains de se rendre à l’hôpital. Par conséquent, cela crée une rupture de la continuité des services. En perdant ce filet de sécurité, ils peuvent se mettre à avoir des comportements alimentaires problématiques, qui reviennent ou qui s’intensifient. Tout cela est combiné à un stress et une anxiété qui amènent un risque de recourir à des comportements alimentaires pour se calmer. » Selon Annie Aimée, les habitudes quotidiennes de vie, comme l’alimentation et l’exercice, ont été affectées par la pandémie pour tout le monde, mais cela a des conséquences plus particulières sur les personnes souffrant de troubles alimentaires qui voient leur facteur de risque augmenter. « Il y a un changement dans les habitudes de vies qui vient mettre une pression sur ce trouble alimentaire en particulier », souligne la professeure.
Un chemin à faire
Toutefois, Annie Aimée mentionne, et c’est abordé dans le livre, que même en temps « normal », l’accessibilité des services est réduite pour ces personnes puisqu’il n’y a pas beaucoup de fonds disponibles. Ainsi, il y a seulement un nombre limité de personnes qui ont accès aux services, et les hôpitaux ou programmes doivent faire des choix, c’est-à-dire prendre des individus qui sont dans un état plus grave. « Certains vivent des troubles alimentaires et ont des risques pour leur santé, mais ils n’entrent pas dans la catégorie des plus à risque. Alors ces gens ne peuvent donc pas recevoir de services gratuits et doivent plutôt se tourner vers des cliniques privées, qui sont parfois coûteuses et où le service ne peut pas être aussi fréquent qu’au public. » Elle croit qu’il y a nécessairement une démarche à faire au gouvernement pour améliorer l’accessibilité à ces services.